Résilience des bâtiments et changements climatiques au Canada
En appui au module Bâtiments de Donneesclimatiques.ca, l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques (ICLR) a été chargé d’explorer l’état des considérations relatives aux changements climatiques dans le secteur du bâtiment au Canada.
Deux sondages menés au second semestre de 2020 ont été diffusés à un large éventail de professionnels de l’industrie du bâtiment. Les groupes de répondants couvraient les gouvernements fédéraux, provinciaux, territoriaux et locaux, et comprenaient des organismes fédéraux, des sociétés d’État, des industries, des assureurs, des organisations non gouvernementales et des universités.
Les résultats des sondages sont assez clairs. Plus de 80 % des professionnels du bâtiment interrogés estiment que les changements climatiques devraient être considérés dans leur travail, autant pour les bâtiments neufs que pour les bâtiments existants. De même, la plupart des répondants estiment qu’ils ne devraient pas attendre que les changements climatiques soient intégrés dans les normes et codes officiels pour agir.
Les répondants ont souligné que de nombreux composants et systèmes de construction, y compris les enveloppes de bâtiment, le drainage des sites et les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC), sont potentiellement affectés par les changements climatiques, et que ces vulnérabilités doivent être traitées pour que les bâtiments demeurent sécuritaires et fonctionnels (figure 1).
Reflétant ces préoccupations, un écosystème de lignes directrices, de normes, de données et de codes, de financements et de réseaux nationaux spécifiques aux changements climatiques émerge rapidement.
Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques (2016) a contribué à stimuler les progrès récents, car il souligne que « les défaillances des infrastructures liées au climat peuvent menacer la santé et la sécurité, interrompre les services essentiels, perturber l’activité économique et entraîner des coûts élevés pour la récupération et le remplacement » et que « l’intégration de la résilience climatique dans les guides et codes de conception des bâtiments » est essentielle pour assurer la prise en compte normalisée des risques climatiques futurs dans la conception et la rénovation des bâtiments.
En appui au Cadre et à ses objectifs, le Conseil national de recherche a lancé en 2016 un important programme (financé par Infrastructure Canada), intitulé Initiative sur les bâtiments et infrastructures publiques de base résistants aux changements climatiques (BIPBRCC). Cinq ans plus tard, l’initiative et le Cadre ont donné lieu une série de nouvelles directives innovatrices, notamment :
- Les données relatives aux niveaux d’inondation, y compris des études de cas d’environnements fluviaux, côtiers et urbains ;
- Le Guide national sur les incendies en milieu périurbain ;
- Un nouvelle norme pour l’adaptations aux changements climatiques des toitures à membrane à faible pente ;
- Le Guide de conception des bâtiments résistants aux inondations (à venir).
Le rapport BIPBRCC 2020 constitue la percée la plus détaillée au Canada à ce jour en termes de mesures spécifiques quant aux changements climatiques reliés aux bâtiments. On envisage d’adopter ces données dans le Code national du bâtiment 2025 et elles alimentent des outils comme la nouvelle application Climate-RCI relative à la résilience climatique des systèmes de toiture à membrane à faible pente.
Le financement fédéral pour les bâtiments résilients aux changements climatiques soutient l’application de nouvelles normes, données et codes tenant compte du climat de la conception à la rénovation de bâtiments. Par l’intermédiaire de l’exigence fédérale qu’est l’Optique des changements climatiques et d’autres initiatives connexes, Infrastructure Canada veille à ce que les nouveaux grands projets d’infrastructure lancés dans le cadre de programmes de financement comme le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes et le programme bâtiments communautaires verts et inclusifs comprennent une évaluation fiable des risques climatiques présents et futurs, grâce à des réseaux nationaux de communautés de pratique comme le Groupe de travail sur l’infrastructure et les bâtiments de la plateforme canadienne d’adaptation aux changements climatiques.
Les provinces et les territoires font preuve de leadership dans le domaine de la planification et de la conception de bâtiments résilients aux changements climatiques. Citons par exemple l’Ontario, qui en 2016 a chargé son ministre des Affaires municipales de procéder à «… un examen du Code du bâtiment afin de soutenir les normes à faible teneur en carbone pour les nouveaux bâtiments et de s’assurer que les bâtiments continuent d’être sécuritaires et accessibles », et le Québec, qui a statué sur la nécessité de « collaborer à l’élaboration de critères, de codes, de guides et d’autres outils nécessaires à l’adaptation de l’environnement bâti aux changements climatiques », dans la Stratégie gouvernementale d’adaptation aux changements climatiques 2013-2020. Les organismes provinciaux et territoriaux peuvent donner le ton au changement, ce qui peut stimuler une réflexion novatrice. En Colombie-Britannique, par exemple, le projet Mobilizing Building Adaptation and Resilience de BC Housing soutient le renforcement des capacités et l’innovation dans la conception de bâtiments résilients et à faible émission de carbone. La Société québécoise des infrastructures (SQI) du Québec identifie les risques climatiques et les mesures d’adaptation au climat pour son parc immobilier institutionnel grâce à l’utilisation de son nouveau cadre d’évaluation, qui peut être adapté pour être utilisé par d’autres propriétaires et gestionnaires immobiliers intéressés.
Les municipalités sont particulièrement bien placées pour accélérer la résilience climatique dans le secteur des bâtiments, car elles intègrent des dispositions liées aux changements climatiques par le biais du zonage et de la planification, des exigences de construction locales, des lignes directrices et des programmes, et fournissent également des interprétations des codes provinciaux qui ciblent les vulnérabilités régionales des bâtiments. Dans de nombreux cas, les mécanismes de planification et les structures de gouvernance existantes (par exemple, la réponse aux catastrophes et le rétablissement) peuvent être efficacement exploitées pour permettre des mesures d’adaptation pertinentes qui traitent directement les vulnérabilités connues.
Là où il y a des lacunes dans les codes provinciaux, les administrations locales ont appliqué d’autres outils réglementaires à leur disposition afin de réduire la vulnérabilité des bâtiments. Cela permet d’inclure, au niveau local, des considérations climatiques adaptées aux interactions qui existent entre les bâtiments et le climat local. De plus en plus, l’intégration des informations climatiques futures dans les efforts de construction et de planification au niveau municipal se fait par le biais de plan climat. À l’échelle nationale, la Fédération canadienne des municipalités représente une base importante pour renforcer la capacité et le partage des connaissances entre les municipalités.
Du côté des impacts financiers, des acteurs canadiens réfléchissent à la manière de gérer les impacts des changements climatiques sur l’assurance des bâtiments et les tendances de la valeur des propriétés, dans des centres comme Institut de prévention des sinistres catastrophiques et le Bureau d’assurance du Canada. Le Centre Intact d’adaptation au climat a été créé par Intact Corporation financière (le plus grand fournisseur d’assurance incendie, accidents et risques divers -IARD- au Canada) afin d’identifier et de réduire les risques pour les bâtiments et les infrastructures liés aux impacts négatifs des changements climatiques. Enfin, les prêteurs à long terme de nombreux projets de construction exigent de plus en plus que le risque climatique soit inclus dans les déclarations de risque financier, par le biais de cadres tels que le Task Force on Climate-related Financial Disclosures (pour Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives au climat).
L’importance d’adapter les bâtiments aux changements climatiques futurs est également connue sur la scène internationale. Par exemple, l’Alliance mondiale pour les bâtiments et la construction (GlobalABC) a récemment publié les premiers résultats du groupe de travail sur l’adaptation de GlobalABC (lancé lors de la 24e Conférence des Parties – COP24). Leur rapport 2020 détaille les défis et les avantages de l’adaptation aux changements climatiques dans les secteurs du bâtiment et de la construction, et propose des actions pour plusieurs parties prenantes.
Il est clair que les attentes et les opportunités pour les praticiens d’intégrer la résilience aux changements climatiques dans le secteur canadien des bâtiments augmentent. Conjugués aux efforts continus afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur, ces efforts devraient permettre de s’assurer que nos bâtiments contribuent à la durabilité et à la sécurité globales des communautés à travers le pays.