Concevoir des stratégies d’adaptation proactives à l’Î.-P.-É. grâce aux données climatiques

Le défi de l’adaptation

Dans le passé, l’approche à l’égard des changements climatiques a été essentiellement réactionnaire, puisque les secteurs réagissaient principalement aux événements météorologiques extrêmes. Les interventions étaient souvent à petite échelle, reflétant les pressions immédiates et les ressources limitées des individus, des entreprises et des organisations. Bien que nécessaire, le passage de ces mesures réactives à une planification plus stratégique et orientée vers l’avenir peut sembler décourageant compte tenu des contraintes actuelles en matière de ressources.

Heureusement, nous comprenons de mieux en mieux les conséquences futures des changements climatiques, et nous disposons aussi de nombreuses informations de plus en plus accessibles à tous. Ces connaissances, associées à des stratégies innovantes d’adaptation proactive, incitent les organisations et les secteurs à élaborer des plans plus ambitieux à long terme. Les voies d’adaptation sont l’une de ces stratégies qui contribuent à renforcer la résilience et la capacité d’adaptation dans un climat changeant.

Quelles sont les voies de l’adaptation?

Lors de l’élaboration des voies d’adaptation, il peut y avoir des dizaines de points de décision, basés sur différents indicateurs de changement observables (voir le tableau 1). Cette idée est similaire aux séries de livres interactifs où il faut choisir sa propre aventure. Lorsque de nouvelles situations apparaissent, le lecteur doit faire des choix qui déterminent l’issue finale de l’histoire. Ainsi, lorsqu’un seuil est atteint pour l’un des points de décision, un choix s’impose : ne rien faire, avancer dans la voie actuelle ou passer à une autre voie.

Chaque voie est une série de mesures d’adaptation possibles et gérables. Plusieurs voies parallèles offrent une certaine souplesse, permettant aux décideurs de choisir les mesures qui correspondent le mieux à leurs objectifs, capacités, forces, normes culturelles, etc. Les décideurs peuvent s’engager dans une voie, en suivre plusieurs à la fois ou passer de l’une à l’autre. Par exemple, un agriculteur peut utiliser un indicateur de perte de rendement due à la sécheresse assorti à un seuil de 10 % de perte. Une fois ce seuil atteint, il peut choisir de ne rien changer ou de suivre au moins l’une des voies suivantes :

  • Voie 1 : collaboration avec des spécialistes → adoption d’une nouvelle technologie d’irrigation de précision → investissement dans de nouveaux équipements
  • Voie 2 : formation du personnel aux nouvelles possibilités → recrutement de nouveaux clients → diversification des activités pour créer de nouvelles sources de revenus
  • Voie 3 : plantation de variétés tolérantes à la sécheresse → recrutement de nouveaux clients → mise à l’essai de nouvelles cultures

L’augmentation de l’échelle et de la complexité des mesures au sein d’une même voie, et ce, sur une certaine période rend l’adaptation plus facile à gérer. Cela permet également une meilleure harmonisation entre la complexité et l’intensité des mesures d’adaptation et le type, le moment et la gravité des effets des changements climatiques. La flexibilité des options et des voies multiples aide également les organisations et les secteurs à suivre la nature dynamique des changements climatiques et leur laisse une marge de manœuvre en cas de problèmes inattendus.

Où interviennent les données climatiques et les données sur les risques?

Il est essentiel de choisir des indicateurs de changement observables, pertinents et fiables. Ces indicateurs peuvent être des changements dans la réglementation, le prix des produits de base et les contraintes opérationnelles. C’est là que les données sur le climat et les risques entrent en jeu et que des sites comme DonnéesClimatique.ca sont si importants. Le tableau 1 donne des exemples pour différents secteurs d’activités.

Tableau 1 : Exemples d’indicateurs observables, exemples de seuils et options d’adaptation pertinentes.

Secteur d’activité
Exemples d’indicateurs et de seuils
Options d’adaptation potentielles
Agriculture (bétail)
Température journalière maximale supérieure à 35 °C

Note : La qualité de la viande de bœuf de pâturage est affectée par le stress thermique lorsque les températures dépassent 35 ° Celsius [1,2]

Extraire le nombre de jours  > 35 °C, pour la période historique et le futur modélisé à partir de la page Analyser les données climatiques de donneesclimatiques.crim.ca.

  • Déplacement des périodes d’alimentation
  • Approvisionnement supplémentaire en eau et détermination du coût
  • Création de zones d’ombre (arbres, structures)
  • Amélioration des systèmes de ventilation des granges
Sécurité publique
Jours où l’indice d’humidité est supérieur à 35 °C

Note : Le seuil varie en fonction du niveau de confort de l’individu et de sa capacité à réguler sa température corporelle. Il convient peut-être de prévoir un seuil plus bas pour les groupes vulnérables. Environnement et Changement climatique Canada fondent leurs critères d’avertissement de chaleur sur la géographie.

Consultez une carte de l’évolution prévue du nombre de jours avec un indice d’humidité supérieur à 35 °C sur donneesclimatiques.crim.ca. Zoomez sur une région et cliquez sur la carte pour visionner et télécharger les données.

  • Communication des risques et des réponses
  • Ouverture de centres de refroidissement
  • Recrutement accru de personnel paramédical et de secouristes
Aquaculture
Température à la surface de l’eau supérieure à 22 °C

Note : Une eau trop chaude nuit à la croissance, à la santé, au bien-être et à la production des poissons. L’eau chaude contient également moins d’oxygène et favorise la production de poux de mer. [3]

Des sites comme donneesclimatiques.crim.ca espèrent ajouter à leur base de données des variables telles que la température de la surface de la mer; restez donc à l’affût de mises à jour et de travaux propres au milieu marin dans un avenir proche.

  • Extension des activités des écloseries
  • Identification de marqueurs génétiques pour la tolérance à la température
  • Déplacement vers des sites où les conditions sont plus fraîches
Biens immobiliers
Propriété située dans la zone d’inondation projetée pour 2050 (sur une durée de 100 ans)

Note : Selon les préoccupations en matière de sécurité publique et la tolérance du propriétaire au risque (par exemple, hangar par rapport à une maison ou un hôpital), le seuil pourrait être plus bas ou plus élevé.

donneesclimatiques.crim.ca propose désormais pour certains endroits des données IDF ajustées en fonction de l’avenir pour les précipitations sur une durée de 100 ans.

  • Souscription d’une assurance
  • Extension des zones humides
  • Protection des sous-sols contre les inondations
  • Installation de murs anti-inondation
  • Surélévation de structures
  • Déplacement des structures

 

Il est important de se rappeler qu’il faut un ensemble diversifié et étendu d’indicateurs pour obtenir un plan complet. Les indicateurs doivent aller au-delà des données sur le climat et les risques pour tenir compte d’une multitude d’impacts tels que le stress thermique, l’émergence d’espèces envahissantes et les inondations côtières. Les indicateurs doivent également tenir compte de l’évolution de la réglementation, de la disponibilité et du coût de la couverture d’assurance, entre autres facteurs. Les seuils spécifiques appliqués pour chacun d’entre eux varieront en fonction du contexte du décideur et de son niveau de tolérance au risque.

Les données climatiques prévisionnelles fournissent aux décideurs un calendrier pour la mise en œuvre des mesures nécessaires, ce qui leur permet de préparer les ressources et les stratégies à l’avance. Il est essentiel de surveiller et d’évaluer en permanence l’efficacité de ces mesures d’adaptation. Des mises à jour régulières en fonction des projections de données climatiques les plus récentes, des informations sur les incidences et des options d’adaptation contribuent de manière significative au succès à long terme de ces initiatives.

Comment cette approche sera-t-elle appliquée?

À l’heure actuelle CLIMAtlantic soutient diverses organisations dans l’utilisation des voies d’adaptation. Cette approche les aidera non seulement à planifier de manière proactive, mais elle présente également d’autres avantages.

Dans le cadre du plan d’adaptation sectoriel de la Fédération de l’agriculture de l’Î.-P.-É., CLIMAtlantic soutient l’élaboration conjointe de voies d’adaptation pour chaque groupe de produits. Ces diverses voies d’adaptation feront ensuite l’objet d’un examen commun afin d’identifier les partenariats et les possibilités d’investissement partagé au niveau sectoriel. Sans cette étape cruciale, les producteurs risquent de créer par inadvertance une concurrence pour les capacités, les ressources et le savoir-faire.

Les coordonnateurs des changements climatiques du gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard travaillent avec les ministères à mettre en œuvre le plan provincial d’adaptation aux changements climatiques. CLIMAtlantic soutient le renforcement des capacités des coordonnateurs pour qu’ils puissent assumer ce travail. Les voies d’adaptation sont utilisées pour explorer comment certaines mesures peuvent ouvrir des possibilités futures alors que d’autres peuvent conduire à une impasse qui limite les options et la flexibilité.

Références

[1] Kadim, I., Mahgoub, O., Al-Ajmi, D., Al-Maqbaly, R., Al-Mugheiry, S., Bartolome, D. (2004). The influence of season on quality characteristics of hot-boned m. longissiumus thoracis. Meat Science, 66, 831-836. (en anglais seulement)

[2] Grimmer, B.J. (2017). Lignes directrices pour la protection du climat dans l’élevage de bovins et de moutons du Canada. https://sencanada.ca/content/sen/committee/421/AGFO/Briefs/2017-04-06-CanadianSheep_f.pdf

[3] Duchene, L. (2017). Industry-academia project in Atlantic Canada explores impacts of climate change. Global Seafood Alliance. (en anglais seulement) https://www.globalseafood.org/advocate/warming-oceans-defense-effort-adaptation-aquaculture/