Si l’augmentation des températures est importante, il ne s’agit que la première étape de l’analyse, puisque le pergélisol réagit également à l’humidité du sol. Des conditions humides et chaudes, qui se produisent ensemble, peuvent accélérer la dégradation thermique du pergélisol. Pour examiner cet effet, les consultants de WSP se sont appuyés sur les travaux du spécialiste en pergélisol Steve Kokelj de la Northwest Territories Geological Survey, qui indiquaient qu’un affaissement du pergélisol pouvait se produire lorsque les précipitations quotidiennes dépassaient 40 mm.
Pour appliquer ce seuil de précipitations jusqu’à l’horizon temporel actuel, WSP a utilisé les courbes historiques d’intensité-durée-fréquence (IDF) des précipitations produites par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC). Ces ensembles de données décrivent la fréquence historique des précipitations extrêmes de courte durée (de cinq minutes à 24 heures) à un endroit particulier. Les courbes IDF sont utilisées par les ingénieurs et les gestionnaires des ressources en eau pour la prévision des inondations et la conception du drainage urbain. Les courbes historiques d’IDF sont facilement accessibles via Donneesclimatiques.ca.
Cependant, selon les consultants de WSP, le défi que pose l’utilisation des courbes IDF pour cette application, est qu’elles sont basées sur des données de taux de précipitations pour le passé et ne peuvent pas être utilisées à elles seules pour estimer les précipitations extrêmes dans un climat changeant. De plus, les courbes IDF ne sont disponibles qu’à certains endroits au Canada. WSP a donc utilisé l’outil IDF_CC développé à la Western University pour estimer la probabilité de futurs événements pluvieux dépassant le seuil des 40 mm. Cet outil fournit des projections de courbes IDF sur l’ensemble du territoire canadien. « There are limitations associated with the use of this climate change data at such a significant spatial scale, so the Tool outputs should be paired with a sensitivity analysis specific to the area of the project, before being relied upon for design purposes », ajoute Paré. Malgré ces limitations, ils constituent cependant un bon point de départ. « This is what we had to use for projecting sub-hourly extreme storm events, which are used in building design criteria », explique son collègue, Jean-Philippe Martin.
En fin de compte, les consultants ont conclu que bien que l’augmentation de la température soit le principal moteur du dégel du pergélisol, l’augmentation des précipitations et les précipitations extrêmes pourraient accélérer la dégradation, en particulier lorsque la chaleur est transmise au pergélisol riche en glace à cause de la pluie, provoquant le dégel par un processus appelé thermo érosion. Ils ont également conclu que le plus grand risque de dégel du pergélisol est dû à une plus grande présence de pergélisol riche en glace et de sédiments à grains fins. Le dégel du pergélisol riche en glace peut provoquer des changements brusques et dramatiques dans le paysage, tels que des affaissements, des dolines, des glissements de terrain et l’expansion ou le drainage soudain des plans d’eau.
« Engineers tend to want a specific number, such as those provided in standards and codes, where the risk of uncertainty has been managed collectively by others », explique-t-elle. « When integrating climate projections into design criteria, a risk management approach should be taken », ajoute-t-elle. Les changements climatiques ont nécessité de travailler avec des degrés d’incertitude et des fourchettes de valeurs plutôt qu’avec des données précises supposées certaines. À cet égard, des changements au niveau de l’approche et du langage des experts sont nécessaires. Les produits développés par Donneesclimatiques.ca pourraient contribuer à accélérer cette évolution.
« You should not just have just one number. You should actually be thinking: ‘What are the consequences of failure? How badly will it go if I get it wrong?’ This is way more important than being able to say whether it will be a 20% or 22% increase. » Ce type de réflexion, conclut Paré, est le point de départ pour adopter une approche basée sur les risques, dans la conception des bâtiments dans le Nord en pleine mutation.