Les vagues de chaleur extrême au Québec

Une des conséquences incontestées du changement climatique est l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur. La province de Québec a mis en place des plans de surveillance, de planification et d’intervention afin de prévenir les impacts sur la santé et de préparer des mesures d’urgence.

Résumé

L’une des conséquences incontestées du changement climatique est l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur, qui peuvent avoir des impacts significatifs sur la santé de la population, tels que des coups de chaleur, des troubles cardiovasculaires et respiratoires, et même des décès; les problèmes de santé mentale s’avèrent aussi importants lors de canicules. Au Québec, diverses activités de surveillance, de préparation et d’interventions sont en place pour assurer une meilleure prévention des impacts sanitaires et une préparation des mesures d’urgence.

Contexte

Au Québec, une vague de chaleur extrême est définie comme étant une période de 3 jours consécutifs pendant laquelle les moyennes mobiles pondérées sur 3 jours des températures maximales et minimales atteignent les valeurs seuils de température préalablement définies et basées sur les impacts de surmortalité attendus1.

Suivant les régions, ces seuils varient entre 31°C et 33°C pour les températures maximales et entre 16°C et 20°C pour les températures minimales2. Les plans d’urgence sont cependant activés beaucoup plus tôt, selon une gradation pré-établie par région.

Pour estimer l’impact qu’a eu une vague de chaleur extrême sur la santé de la population, le nombre de décès, d’hospitalisations, d’admissions à l’urgence et de transports ambulanciers signalés durant la vague sont analysés de manière à voir si leur nombre est plus élevé que la moyenne historique des cinq années précédentes pour des périodes similaires non caniculaires. La période à l’étude inclut les 3 jours suivant la fin de la canicule comme période de latence3.

C’est ainsi qu’une analyse1 des impacts sanitaires révèle qu’à l’été 2018, le plus chaud en 146 ans d’observations météorologiques au sud du Québec4, un excès de 86 décès possiblement liés à la chaleur a été signalé pour l’ensemble des neuf régions touchées par une canicule. Une hausse significative des hospitalisations, des transports en ambulance et des admissions à l’urgence a aussi été observée dans plusieurs régions. Les principales caractéristiques météorologiques de la vague de chaleur de 2018 sont présentées dans le tableau 1.

Table 1 : Vagues de chaleur extrême de 2018, en chiffres

Principales caractéristiques de la vague de chaleur extrême en 2018 dans la province de Québec. L’événement a duré 6 jours dans la région de Montréal et la moyenne des températures maximale et minimale durant ces journées étaient de 33,7°C et 22,1°C respectivement.

Adapté de : Lebel G, Dubé M, Bustinza R. (2019) Surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec à l’été 2018, INSPQ. En ligne: https://www.inspq.qc.ca/bise/surveillance-des-impacts-des-vagues-de-chaleur-extreme-sur-la-sante-au-quebec-l-ete-2018#ref

Adapté de : Lebel G, Dubé M, Bustinza R. (2019) Surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec à l’été 2018, INSPQ. En ligne: https://www.inspq.qc.ca/bise/surveillance-des-impacts-des-vagues-de-chaleur-extreme-sur-la-sante-au-quebec-l-ete-2018#ref

Les répercussions de la vague de chaleur de 2018 sur la mortalité et la morbidité sont cependant plus faibles que celles enregistrées au cours de juillet 2010, où une hausse significative de 33% pour les décès (environ 280 de plus) a été calculée, de même qu’une hausse de 4% des admissions aux services d’urgence (environ 3400 de plus)5. De fait, entre 2010 et 2018, l’été 2010 est celui où les impacts sur la santé ont été les plus importants. La figure 1 présente le rapport de taux de mortalité lié aux vagues de chaleur extrême des deux étés pour les régions socio-sanitaires touchées. Le rapport de taux compare le taux de mortalité durant une vague de chaleur avec le taux de mortalité, au même moment de l’année alors qu’il n’y a pas de vagues de chaleur et ce, durant les cinq dernières années. Un ratio supérieur à 1 indique un excès de décès durant la vague de chaleur, alors qu’un ratio inférieur à 1 indique une baisse de mortalité.

Figure 1 : Rapport de taux des décès pendant les vagues de chaleur extrême de 2010 et de 2018

Comparaison du taux de mortalité (voir le texte pour les explications) lié aux vagues de chaleur de 2010 et 2018 dans les régions socio-sanitaires touchées.

Adapté de : Lebel G, Dubé M, Bustinza R. (2019) Surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec à l’été 2018, INSPQ. En ligne: https://www.inspq.qc.ca/bise/surveillance-des-impacts-des-vagues-de-chaleur-extreme-sur-la-sante-au-quebec-l-ete-2018#ref

Adapté de : Lebel G, Dubé M, Bustinza R. (2019) Surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec à l’été 2018, INSPQ. En ligne: https://www.inspq.qc.ca/bise/surveillance-des-impacts-des-vagues-de-chaleur-extreme-sur-la-sante-au-quebec-l-ete-2018#ref

Stratégies d’adaptation

D’abord, la proportion de ménages climatisés s’est accrue au cours des 10 dernières années. Ainsi, une enquête populationnelle exhaustive menée en 20116 dans les quartiers défavorisés des neuf grandes villes du Québec montrait que seulement 49,5% possédaient un climatiseur à domicile, le plus souvent un seul appareil dans une pièce du logement. Pour l’ensemble de la région métropolitaine de Montréal, l’Enquête sur les ménages et l’environnement de Statistique Canada montre que la proportion de ménages qui dispose d’un climatiseur est passée de 54 % en 2009 à 65 % en 2015, et possiblement davantage présentement.

Différentes initiatives en santé publique contribuent aussi à réduire la mortalité pendant les vagues de chaleur, et ce même si la proportion de personnes âgées – un groupe vulnérable – a doublé au Québec au cours de la même période. Ces initiatives sont menées par les villes, les organismes privés et publics, et les autorités de santé publique. Ainsi, les interventions préventives, débutées en 2004, ont été renforcées auprès des groupes à risque élevé (hôpitaux, résidences pour personnes âgées, sans-abri, quartiers à haut risque) depuis 2010 dans les régions les plus exposées de la province7, 8.

En santé publique, les interventions reposent notamment sur la production, depuis 2010, des bulletins annuels de Surveillance des impacts sanitaires des vagues de chaleur extrême au Québec (produit seulement pour les années où il y a des canicules, soit 2010, 2011, 2012, 2018).

Aussi piloté par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), le Système de surveillance et de prévention des impacts météorologiques extrêmes (SUPREME) identifie les zones à risque et émet, depuis 2010, des avertissements de prévision de chaleur extrême (ACE) à l’intention des intervenants de santé publique afin de les aider à lancer des actions d’urgence au besoin, de même que les autres avertissements pertinents fournis par le Service météorologique du Canada (SMC).

Des 98 vagues de chaleur observées pendant les saisons estivales de 2010 à 2016, 47 ont été prévues par les ACE du système SUPREME, et 51 ont été manquées, ce qui serait principalement dû aux incertitudes inhérentes aux prévisions météorologiques reçues du SMC. Malgré tout, la performance globale des avertissements de chaleur extrême du système SUPREME est jugée bonne9 et très utile par ses utilisateurs10.

La lutte aux îlots de chaleur urbains s’intensifie aussi au Québec au moyen de diverses initiatives de verdissement des villes. L’INSPQ a entre autres produit une carte interactive dressant le portrait des îlots de chaleur et de fraîcheur dans la province. De plus, le volet santé du Plan d’action contre les changements climatiques a subventionné plus d’une centaine de projets au moyen d’un financement de plus de 35 M$ depuis 10 ans, et plusieurs villes et organismes privés font de même, ce qui a permis de tripler ce montant. Une évaluation de performance des projets de lutte aux îlots de chaleur urbains dans la région de Montréal démontre que certains projets ont permis d’obtenir des gains de fraîcheur notables11.

Les projections climatiques sont utiles pour projeter l’augmentation des températures et estimer la fréquence et l’intensité des épisodes de chaleur futurs. L’estimation des risques futurs permet d’appuyer des stratégies d’adaptation visant à réduire les effets morbides (déshydratation, hyperthermie et coup de chaleur, décompensation cardiovasculaire, problèmes respiratoires, etc.) et la mortalité liés à la chaleur. La variable vague de chaleur sur la page analyser peut être utilisée pour estimer la durée et la fréquence des vagues de chaleur basés sur des seuils spécifiques et pertinents localement. À titre d’exemple, la figure 2 présente l’évolution du nombre de vagues de chaleur de 1950 à 2100 pour Montréal où les seuils ont été fixés à 30°C pour la température maximale et 22°C pour la température minimale.

Les scénarios climatiques seront aussi utiles pour bien choisir les espèces à planter pour le verdissement urbain en fonction des précipitations futures et du cumul de degrés-jours de croissance. Les améliorations aux logements qui deviendront nécessaires et salutaires pour la qualité de vie et l’état de santé de la population peuvent aussi s’appuyer sur les scénarios climatiques.

Figure 2 : Évolution du nombre de vagues de chaleurs simulées pour Montréal de 1950 à 2100

Évolution du nombre de vagues de chaleur extrême à Montréal, de 1950 à 2100, estimée à partir des 24 modèles climatiques de la base de données BCCAQv2. Une vague de chaleur extrême, pour la ville de Montréal, est définie par au moins 3 jours consécutifs durant lesquels la température minimale est supérieure à 22°C et la température maximale est supérieure à 30°C. Les traits foncés indiquent la valeur médiane, l’enveloppe présente les 10e et 90e percentiles de chaque RCP. Les valeurs ont été calculées avec l’outil Analyse des vagues de chaleur offert sur le site web.   

Points à retenir

  • L'une des conséquences des changements climatiques est l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des vagues de chaleur, qui ont des impacts significatifs sur la santé de la population.
  • Entre 2010 et 2018, l’été 2010 est celui où les impacts des vagues de chaleur sur la santé ont été les plus importants, avec une augmentation de 33 % des décès (280 décès en excès). En 2018, un excès de 86 décès possiblement liés à la chaleur a été signalé pour l’ensemble des neuf régions touchées par une canicule.
  • Différentes initiatives en santé publique contribuent à réduire les effets néfastes des vagues de chaleur, notamment la surveillance des décès et des hospitalisations en période de canicule, la diffusion d’avertissement de chaleur extrême, la coordination intersectorielle des plans d’urgence, la lutte aux îlots de chaleur urbains et l’utilisation de projections climatiques pour éclairer les décisions des responsables de la santé publique et de l’aménagement urbain.
Référence

1 Lebel G, Dubé M, Bustinza R. (2019) Surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec à l’été 2018, INSPQ. En ligne: https://www.inspq.qc.ca/bise/surveillance-des-impacts-des-vagues-de-chaleur-extreme-sur-la-sante-au-quebec-l-ete-2018#ref

2 Chebana F, Martel B, Gosselin P, Ouarda T, Giroux JX. A general and flexible methodology to define thresholds for heat health watch and warning systems, applied to the province of Québec (Canada). International Journal of Biometeorology. Oct. 2012. Epub DOI : 10.1007/s00484-012-0590-2

3 Lebel G, Bustinza R, Dubé M (2019) Analyse des impacts des vagues régionales de chaleur extrême sur la santé au Québec de 2010 à 2015, INSPQ, 2017. En ligne: https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2221_impacts_vagues_chaleur_extreme_sante.pdf

4 Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques [Online]. Québec : Gouvernement du Québec; 2019. Septembre 2018 : l’été le plus chaud en 146 ans d’observations au sud du Québec se confirme. En ligne: http://www.environnement.gouv.qc.ca/climat/Faits-saillants/2018/septembre.htm

5 Bustinza et al.: Health impacts of the July 2010 heat wave in Québec, Canada. BMC Public Health 2013 13:56. En ligne :  https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-13-56

6 Bélanger D, Gosselin P, Abdous B, Valoir P, (2016) La climatisation à domicile dans les secteurs les plus défavorisés des grands centres urbains du Québec, INSPQ. En ligne: https://www.inspq.qc.ca/bise/resume-la-climatisation-domicile-dans-les-secteurs-les-plus-defavorises-des-grands-centres-urbains-du-quebec

7 Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal. Canicule: juillet 2018 – Montréal, Bilan préliminaire. Montréal : Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal; 2018. En ligne: https://santemontreal.qc.ca/fileadmin/fichiers/actualites/2018/07_juillet/BilanCanicule2018.pdf

8 The Montreal heat response plan: evaluation of its implementation towards healthcare professional and vulnerable populations. En ligne: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29981064

9 Bustinza R, Lebel G, Dubé M, Évaluation de la performance des avertissements de chaleur extrême par le système SUPREME de 2010 à 2016, INSPQ. En ligne: https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2291_evaluation_performance_avertissement_chaleur_supreme.pdf

10 Gosselin P, Bustinza R, (2016) INSPQ, Impacts organisationnels de SUPREME. En ligne: https://adaptationcanada2016.ca/wp-content/uploads/2016/04/W2B-Gosselin.pdf

11 Environnement Canada (2014). Étude de performance de projets de lutte aux îlots de chaleur urbains dans la région de Montréal, Service météorologique du Canada – Région du Québec (SMC-QC), 142 pages