Metrolinx : Intégration de l'évaluation des risques climatiques

Metrolinx, une autorité de transport public de l'Ontario, a réalisé que la création d'une stratégie d'adaptation pourrait l'aider à gérer les risques liés aux changements climatiques dans la région du Greater Golden Horseshoe. En utilisant de l’information climatique pour orienter les services, les opérations, la maintenance et les infrastructures, Metrolinx aide à prévenir les impacts climatiques allant des retards dans les transports aux défaillances prématurées des infrastructures.

Crédits à la rédaction : Leigh Phillips. Auteurs collaborateurs : Elaine Barrow, Nathalie Bleau, Jessie Booker, Taylor Livingston, Lindsay Matthews, Stacey O'Sullivan, Amanda Patt, Kari Tyler.

Résumé

La mise en œuvre du protocole CVIIP dans Metrolinx, la plus grande autorité de transport en commun au Canada, a permis d’identifier les principaux risques climatiques tels que les impacts de la chaleur extrême sur lignes ferroviaires et les risques liés à la glace sur les routes et les plateformes de passagers en raison de la persistance des  cycles de gel-dégel. L’évaluation a permis d’élaborer une stratégie d’adaptation à l’échelle de l’organisation et de s’engager à comprendre en continu les impacts des changements climatiques présentant un intérêt particulier pour l’organisation.

Historique

Metrolinx est l’organisme du gouvernement de l’Ontario responsable du transport en commun dans la région du Greater Golden Horseshoe (GHG). Il s’agit de l’une des plus grandes sociétés d’État au pays, qui gère le réseau de trains de banlieue et d’autobus GO Transit, la liaison ferroviaire de l’aéroport Union Pearson Express et le système de tarification de la carte Presto pour 11 municipalités différentes (y compris Ottawa), et qui supervise le développement du métro et d’autres projets de transport en commun rapide à Toronto et dans la région du GHG.

En 2013, l’agence a subi deux catastrophes climatiques consécutives : un train inondé en juillet en plus de deux emportements le long des voies, et une tempête de verglas en décembre au cours de laquelle certaines gares ont été privées d’électricité pendant une semaine. Metrolinx a décidé qu’il était temps de prendre au sérieux l’adaptation climatique. Ils ont fait appel à Quentin Chiotti, expert en risques climatiques, créant ainsi un nouveau poste de conseiller senior dédié uniquement à la question des risques climatiques et à l’adaptation.

Évaluation des risques climatiques

Pour comprendre où ils pourraient être vulnérables, M. Chiotti et une « équipe de rêve », comme il les décrit, composée d’experts en science du risque, ont appliqué le protocole CVIIP à six des actifs de l’agence qui étaient représentatifs de Metrolinx dans son ensemble. Ils ont choisi une sélection représentative des infrastructures (deux gares, deux installations et deux segments de corridors ferroviaires) à évaluer avec le protocole CVIIP. Bien que le rapport de cette évaluation ne soit pas accessible au public, le processus et les conclusions sont décrits dans le document 2017 Planning for Resiliency: Toward a Corporate Climate Adaptation Plan, qui a orienté la stratégie d’adaptation au climat à l’échelle de l’organisation.

L’évaluation des risques causés par une fréquence croissante de journées chaudes a conduit Metrolinx à modifier le seuil de température dans les normes pour les réfections et la construction des nouvelles voies ferrées, ainsi qu’à réévaluer le nombre de jours susceptibles de faire l’objet d’ordres de « ralentissement ».

Un autre risque identifié par l’évaluation est la fréquence persistante des cycles de gel-dégel (jours où la température de l’air fluctue entre le gel et le non-gel). Le gel, la fonte et le regel de l’eau peuvent endommager les infrastructures et avoir des impacts négatifs sur la sécurité des véhicules et des passagers.

Impact climatique : Chaleur extrême

Comme le montre la figure 1 ci-dessous, historiquement, la journée la plus chaude était dans les 30 °C (en moyenne). Les projections pour les décennies autour des années 2020 indiquent que le jour le plus chaud moyen a probablement déjà augmenté jusqu’à 30 °C et qu’au cours des décennies autour des années 2050 (dans les scénarios d’émissions moyennes et élevées), il pourrait approcher les 40 °C. Cela a des impacts sur les corridors ferroviaires, car la température radiante des voies en acier sera beaucoup plus élevée que la température de l’air ambiant.

Lorsque des rails soudés en continu sont installés dans un corridor, ils doivent d’abord être testés en fonction d’une température de pose de rails appropriée à la région. Au Canada, cette température est traditionnellement de 32,2 °C. L’augmentation de la température moyenne quotidienne en été induite par le climat a incité Metrolinx à adopter une température plus élevée lors de la pose de rails, soit 37,7 °C pour toutes les nouvelles voies. Metrolinx a évalué cette température idéale de pose (TIP) de rails en la comparant aux projections futures des températures maximales disponibles sur le portail Donneesclimatiques.ca. La TIP de 37,7 °C devrait être suffisante pour permettre aux opérations de se dérouler en toute sécurité dans le cadre des températures maximales futures, au moins pour la prochaine décennie. D’ici là, les températures des voies et de l’air ambiant sont surveillées et la TIP est revue périodiquement à mesure que les températures maximales augmentent.

Des températures de l’air soutenues au-dessus de 30°C peuvent également provoquer la déformation (sun kink) des rails en acier. Cela pose un problème de sécurité si les trains les franchissent trop rapidement. Des ordres de ralentissement sont généralement imposés lorsque les températures dépassent 30°C. La vitesse des trains est réduite de 24 km/h, ce qui peut ajouter environ 10 minutes au trajet moyen. Comme ces températures chaudes se produisent plus souvent, il y aura un nombre accru d’« ordres de ralentissement » et en conséquence, des délais dans les horaires.

Figure 1. Évolution de la journée la plus chaude du 21e siècle pour Toronto, ON

Évolution de la température maximale la plus élevée au cours d’une période donnée, simulée au cours du 21e siècle par un ensemble de modèles climatiques mondiaux. Les différentes couleurs font référence à différentes trajectoires d’émissions futures (RCP). Les lignes en gras indiquent la valeur médiane multi-modèles et la zone ombragée indique la plage multi-modèles. Balayez votre souris sur des périodes de 30 ans dans la figure pour visualiser les changements moyens projetés du jour le plus chaud à Toronto au fil du temps, selon trois scénarios d’émissions.

Impact climatique : Cycles de gel-dégel

Les cycles de gel-dégel, au cours desquels la neige fond puis regèle sous forme de glace, peuvent entraîner des collisions d’autobus, des glissements et des chutes sur les plates-formes, les gares, les trottoirs et les stationnements extérieurs. À mesure que les hivers se réchauffent, la fréquence des cycles de gel-dégel à Toronto pourrait diminue sur le long terme et dans le cadre du scénario d’émissions (figure 2) le plus élevé, mais devrait persister à une fréquence similaire aux conditions historiques dans le cadre de scénarios d’émissions moyennes (RCP4.5) et faibles (RCP2.6). Il existe une certaine solution d’adaptation disponibles pour réduire les impacts de ce phénomène, notamment le déneigement, l’épandage de sel et des systèmes chauffants pour les surfaces extérieures. Cela a des répercussions sur les stations de transport en commun : Metrolinx devrait-il installer des systèmes chauffants pour faire fondre la neige sur les quais, ou continuer à compter sur le déneigement et adapter la gestion d’épandage de sel ? La première option est dispendieuse et aurait un impact négatif en augmentant les émissions de gaz à effet de serre, car cette méthode utilise traditionnellement des chaudières au gaz naturel. Comment cela se compare-t-il à l’amélioration de l’épandage de sel sur les plates-formes ? Metrolinx utilise les deux stratégies en fonction de divers facteurs et du contexte local, y compris l’efficacité énergétique. Ils étudient les options énergétiques (par exemple, le gaz naturel par rapport à l’électricité) pour les systèmes chauffants des plateformes ainsi que l’utilisation de prévisions météorologiques améliorées pour orienter les pratiques de déneigement et d’épandage de sel. La façon dont ces options sont affectées par les changements climatiques à moyen (10 ans) et à long terme (cycle de vie des actifs) est également une considération importante.

Ces décisions, ainsi que plusieurs questions de nature politique stratégique et liées à la planification, ont été mises en évidence par le processus d’évaluation des risques climatiques. Cela fait partie de la valeur ajoutée d’utiliser le CVIIP avec lequel les données climatiques historiques, les projections climatiques et les contributions multidisciplinaires des parties prenantes sont considérées pour identifier les risques climatiques et prendre des décisions d’adaptation éclairées.

Figure 2. Changements dans les cycles quotidiens de gel-dégel au cours du 21e siècle pour Toronto, ON

Nombre annuel de cycles quotidiens de gel-dégel simulés au cours du 21e siècle par un ensemble de modèles climatiques mondiaux. Les différentes couleurs font référence à différentes trajectoires d’émissions futures (RCP). Les lignes en gras indiquent la valeur médiane multi-modèles et la zone ombragée indique la plage multi-modèles. Balayez votre souris sur des périodes de 30 ans dans la figure pour visualiser les changements moyens projetés du jour le plus chaud à Toronto au fil du temps, selon trois scénarios d’émissions.

Conclusion de l'évaluation des risques

L’évaluation a révélé que les risques climatiques constituent une menace pour le respect des délais, les plaintes de clients et leur réputation, les conditions de travail, la santé et la sécurité. Bien que ces risques n’entraînent pas nécessairement une défaillance de l’infrastructure, ils constituent tout de même une menace importante pour l’organisation au fil du temps. Les usagers sont frustrés par de tels désagréments ou des dangers minimes par rapport à ce qu’ils s’attendent d’un transport en commun efficace et bien géré.

« You’ll notice that a lot of these aren’t exactly what you’d call catastrophic risk », explique Quentin. Selon lui, l’accent est peut-être trop juste mis sur les risques catastrophiques dans le secteur de l’adaptation. « These are real concerns, but organizations like Metrolinx also need to ask themselves: ‘How does this impact our day-to-day operations?’ It’s not just about floods and ice storms. » S’il est important de faire face aux risques catastrophiques liés aux conditions météorologiques extrêmes, il est également important de pouvoir fournir un service de transport en commun fiable et sûr dans un large éventail de conditions météorologiques.

Démêler ces relations entremêlées est un travail complexe. Par exemple, un certain nombre de contrats reliés à la neige sont liés à un début de saison d’hiver fixe, mais les dates de début et de fin de saison changent. Cela semble banal, mais il existe des centaines d’enjeux comme celui-là. Quentin se dit chanceux que lala vulnérabilité climatique soit prise au sérieux dans l’ensemble de l’organisation, en particulier au niveau de la direction, et que Metrolinx dispose d’un personnel chargé d’évaluer les risques climatiques et de les prendre en compte dans les opérations, la gestion des actifs, la conception et la construction de nouvelles infrastructures. « Climate risk now has a direct sightline to senior management, which keeps it fresh and on people’s radar. The next few years for this stuff will be absolutely crucial. »

Éléments clés à retenir

  • Les infrastructures de transport en commun existantes et futures doivent être conçues et construites en tenant compte du fait que le climat a déjà changé et que ces changements vont se poursuivent.
  • Les processus de prise de décision, les politiques et la planification stratégique doivent également tenir compte des risques climatiques actuels et futurs.
  • Certains aspects des infrastructures seront menacés, non seulement en raison de conditions extrêmes, mais également en raison des impacts de conditions moyennes changeantes.

Remerciements

Les auteurs remercient sincèrement Quentin Chiotti et à l’équipe de Metrolinx pour leur précieuse collaboration à cette étude de cas.