Risques de surchauffe des bâtiments en Colombie-Britannique

À mesure que le climat se réchauffe, les risques de surchauffe dans les bâtiments augmentent partout au Canada. Lisez la suite pour en savoir plus sur le parcours d'un fournisseur de logements à but non lucratif afin de s'assurer que ses bâtiments sont adapté au climat actuel et futur, et sur l'importance d'intégrer les projections des données climatiques dans la conception des bâtiments le plus tôt possible.

Crédits de rédaction : Leigh Phillips. Auteurs collaborateurs : Nathalie Bleau, Kenneth Chow, Charles Curry, Jeremy Fyke, Robert Lepage, Trevor Murdock, Stacey O'Sullivan, Dan Sandink, Ryan Smith, Kari Tyler.

Éléments à retenir

  • Bien que le Canada soit un pays nordique, la surchauffe à l’intérieur des bâtiments pendant les mois d’été représente un risque sérieux pour la santé publique. Le réchauffement lié aux changements climatiques exacerbe ce risque ;
  • La conception de bâtiments basée sur les données climatiques historiques ne tient pas compte des risques réels de surchauffe en climat actuel et futur ;
  • Afin d’éviter d’engager ultérieurement des coûts d’adaptation élevés, la prise en compte des projections de températures futures et des risques de surchauffe associés doit être effectuée le plus tôt possible dans le processus de conception ;
  • Les réponses d’adaptation à la surchauffe sont complexifiés par de nombreux facteurs, notamment la fumée des incendies de forêt (ce qui complique l’utilisation de mesures de refroidissement passif comme l’ouverture des fenêtres), l’augmentation des besoins d’espace pour les systèmes de refroidissement (et les émissions potentielles de gaz à effet de serre associées à ces systèmes), ainsi que les exigences de distanciation sociale pendant une pandémie (qui empêchent l’utilisation d’espaces communs comme refuge).

L’imaginaire collectif a tendance à se figurer les impacts des changements climatiques comme des événements «spectaculaires», tel que l’élévation du niveau de la mer, les incendies de forêt et les phénomènes météorologiques extrêmes. Effectivement, les impacts peuvent se manifester ainsi. Par contre, nous sommes beaucoup moins conscients des effets néfastes de la surchauffe des bâtiments sur la santé, surtout dans un climat nordique comme celui du Canada. Pourtant, en 2018, une vague de chaleur a causé 86 décès excédentaires au Québec, tandis qu’environ 100 décès supplémentaires ont été enregistrés au cours d’une semaine exceptionnellement chaude à Vancouver en 20091. Plus récemment, plusieurs provinces, dont la Colombie-Britannique (C.-B.), l’Ontario et le Québec ont connu une chaleur excessive et des températures records sur une période de cinq jours à la fin du mois de juin 2021. Le coroner en chef de la Colombie-Britannique a attribué 570 des 815 morts subites en Colombie-Britannique au cours de cette période, à la vague de chaleur2.

La climatisation et d’autres formes de refroidissement sont monnaie courante dans de nombreuses régions de l’Ontario et du Québec. Cependant, dans une grande partie du sud de la Colombie-Britannique et du Canada atlantique, le refroidissement mécanique n’a jamais été nécessaire. Plusieurs sont aujourd’hui surpris d’apprendre qu’un tel refroidissement est nécessaire dans ces régions, compte tenu du réchauffement qui s’est produit au cours des dernières décennies.  Cela montre comment les changements climatiques peuvent non seulement intensifier des problèmes existants, mais également créer de nouveaux défis auxquels il faut faire face.

Outre les températures records et les vagues de chaleur induites par les changements climatiques, l’augmentation du nombre de jours par année suffisamment chauds pour nécessiter une certaine forme de refroidissement, a déjà un impact sur la santé publique. Une étude récente du Toronto Public Health a révélé que les risques de mortalité commencent à augmenter lorsque les températures dépassent 26 ºC3. Dans le sud de la Colombie-Britannique, ces températures étaient rares il y a 50 ans, mais se produisent maintenant chaque année, en particulier dans les grands centres urbains. Donneesclimatiques.ca peut aider à identifier ces seuils de température clés et où ils sont le plus susceptibles de se produire.

« In Canada, this, you know, northern country, we have a tendency to play down the importance of taking action when the weather is hot. For most people, it’s kind of like, ‘Oh, it’s hot’, and that’s it », explique Magda Szpala, directrice de la durabilité et de la résilience chez BC Housing, l’agence publique responsable de la construction et de la gestion des logements sociaux dans la province.

« There’s all this damage with something like flooding. It’s very visible. Lots of property damage. But people in Canada usually don’t die from flooding. Most Canadians don’t realize that more people die from overheating than from any other natural disaster. »

-Magda Szpala, BC Housing

Elle appelle la surchauffe dans les bâtiments le « tueur silencieux » en raison du manque d’attention que ce phénomène attire. Mais c’est maintenant la principale cible du risque climatique pour l’agence. La province a introduit ce qu’elle appelle un « Step Code », qui permet aux gouvernements locaux d’exiger des niveaux supplémentaires d’efficacité énergétique dans les nouvelles constructions qui vont au-delà du code du bâtiment établi par la province. Un bâtiment aura, par exemple, un certain budget énergétique qu’il faudra respecter. Pour déterminer si un nouveau bâtiment est conforme à ce budget, toute personne qui planifie une construction doit utiliser un logiciel de modélisation énergétique suivi d’essais in-situ.

BC Housing soutient quelque 110 000 ménages, y compris des personnes à faible revenu, des personnes âgées, des personnes handicapées et des sans-abris. La société est le plus grand fournisseur de logements sans but lucratif de la province, ce qui signifie que la modélisation nécessaire pour s’assurer que leurs bâtiments sont adaptés au climat et conformes au Step Code, est une vaste entreprise.

« The danger here is only looking at data describing what the climate was like for a particular region in the past, which might show very little overheating risk », ajoute la collègue de Szpala, Wilma Leung, directrice principale du BC Housing Research Centre (qui dirige la recherche et l’éducation pour soutenir une industrie de la construction résidentielle et un secteur du logement robustes et résilients). « But the future climate will not be like the past. »

Sans considérer le climat futur, un bâtiment pourrait être construit avec un chauffage adéquat pour l’hiver, mais sans système de refroidissement pour l’été. Cette situation est en grande partie le refletdes modèles climatiques historiques. Alors que plus de 90 % des ménages ont une forme quelconque de climatisation dans des pays comme les États-Unis et le Japon, ce pourcentage n’est que d’environ 60 % au Canada, selon Statistique Canada. En Colombie-Britannique, seulement le tiers des ménages possède un climatiseur, et ce chiffre chute à moins du quart dans les provinces de l’Atlantique.

Donneesclimatiques.ca peut être utiliser pour déterminer la fréquence des épisodes de chaleur accablante pour les décennies à venir. Par exemple, les utilisateurs peuvent observer, à travers la modélisation climatique du passé récent, qu’il n’y avait aucune « nuit tropicale » (terme utilisé pour décrire les nuits où la température minimale dépasse 18 °C) dans la région du Grand Vancouver. Pourtant, les utilisateurs peuvent constater que d’ici les années 2050, il pourrait y avoir jusqu’à 15 nuits de ce type par an en moyenne, et dans un avenir plus lointain, pour toutes les trajectoires d’émissions futures (RCP), le nombre de ces nuits augmente encore (figure 1). Ce phénomène est significatif, car les dépassements des seuils de température maximale et minimale sur des périodes prolongées (c’est-à-dire les vagues de chaleur) entraînent des risques de mortalité plus élevés. Selon la région, une nuit d’été chaude varie généralement entre 16 et 20 °C4 – trois jours consécutifs avec des températures nocturnes au-delà du seuil régional représentent un risque accru. Les populations de la région de Vancouver pouvaient auparavant compter sur des nuits fraîches pour se soulager des journées chaudes ; en l’absence de méthodes de refroidissement mécaniques, une série de nuits chaudes empêchera le refroidissement passif à l’aide de la ventilation par les fenêtres et exacerbera le stress thermique.

Figure 1. Changements des nuits tropicales pour la région du Grand Vancouver au cours du 21e siècle

Nombre annuel de nuits tropicales simulées au cours du 21e siècle par un ensemble de modèles climatiques mondiaux pour un lieu situé dans la région du Grand Vancouver. Les différentes couleurs se réfèrent à différentes trajectoires d’émissions futures (RCP), les lignes épaisses montrent la médiane multi-modèles et la zone ombragée plus claire indiquent la plage multi-modèles. Passez votre souris sur la figure pour voir les changements anticipés des nuits tropicales au fil du temps, selon trois scénarios d’émissions différents.

Ces informations sont importantes pour tous les promoteurs et fournisseurs de logements, y compris une organisation comme BC Housing, puisque leurs bâtiments auront un certain budget énergétique prescrit par les gouvernements locaux par le biais du Step Code. Comme l’explique Leung, « Without adequate cooling provisions, in the future, people in those households will just go out and buy an off-the-shelf air-conditioner, stick it in their window, and now your energy budget is blown. »

C’est pourquoi, BC Housing a élaboré une série de lignes directrices pour construire en gardant ce facteur à l’esprit. L’organisation a ensuite contacté le Pacific Climate Impacts Consortium (PCIC) pour produire des versions de fichiers de données climatiques projetées en utilisant le scénario d’émissions élevées (RCP 8.5). L’utilisation du scénario d’émissions élevées fournit une gamme de résultats plus appropriée pour la conception, car la quantité des changements climatiques qui se produiront dans le scénario d’émissions élevées d’ici environ le milieu du siècle est similaire à ce qui se produirait avec le scénario d’émissions moyennes (RCP 4.5) plus tard au courant du siècle. Ces « future-shifted weather files » constituent une estimation de ce que pourraient être les températures quotidiennes typiques pour des endroits qui disposent déjà des fichiers historiques. BC Housing a ensuite utilisé ces fichiers comme intrants dans des modèles énergétiques qui ont simulés la performance des bâtiments dans ces conditions plus chaudes, à la fois pour les bâtiments existants et ceux en cours de conception.

L’étape suivante a consisté à effectuer une analyse plus fine, en passant du budget et des performances énergétiques de l’ensemble du bâtiment au niveau des unités individuelles au sein du bâtiment. Le risque de surchauffe d’une unité individuelle dépend, entre autres, de son orientation et de son emplacement. On pourrait s’attendre, par exemple, à ce qu’un logement orienté sud-ouest soit plus exposé à la surchauffe qu’un logement situé dans le coin nord-est du bâtiment.

« I’ve been working in this area for some time, but it was so surprising to find out when we did the energy modelling using future weather files, that a lot of our buildings that we had designed would be at very high risk of overheating the very first summer that the building opens », explique Szpala. « That was a bit of a shock. That was huge. »

Leung et Szpala affirment que s’ils devaient conseiller d’autres promoteurs/développeurs/constructeurs, la recommandation numéro un serait de prendre en compte le risque de surchauffe le plus tôt possible dans leurs processus. Aux stades ultérieurs du développement d’un projet, l’intégration de mesures d’adaptation au climat risque d’être difficile et, par conséquent, coûteuse. « We definitely learned the hard way. »

Une autre révélation importante concerne la question de la hauteur des bâtiments. Un promoteur/développeur/constructeur voudra maximiser le nombre d’unités qu’il peut intégrer dans un espace donné. Un acteur privé souhaite vendre plus d’unités tandis qu’un acteur public ou à but non lucratif souhaite également héberger le plus de personnes possibles. Mais les systèmes de refroidissement nécessitent des conduits dans les couloirs et les plafonds, occupant un espace important qui pourrait autrement être utilisé pour quelques unités supplémentaires ou même un étage supplémentaire. Cela signifie que les lois municipales de zonage pourraient être appelées à être modifiées, par exemple afin de permettre de construire des bâtiments de hauteur plus importante afin de répondre au besoin de refroidissement.

Étant donné que les mesures d’adaptation sont parfois coûteuses, un autre élément considéré est la possibilité de « surdimensionner » un bâtiment pour l’adapter au climat futur. Dépendamment des trajectoires d’émission des gaz à effet de serre futures et de la réponse au climat (sans parler des avancées majeures dans la conception des bâtiments), les mesures nécessaires pour construire un bâtiment « prêt pour 2080 » aujourd’hui, pourraient ne pas être nécessaires avant plusieurs décennies, voire pas du tout. « There is a lot of uncertainty here, and even debates, but without a future weather file, we have nothing to stand on at all », ajoute Szpala.

D’autres leçons apprises ces dernières années ont porté sur les saisons prolongées de feux de forêt en Colombie-Britannique et en Californie, ainsi que par la pandémie liée à la Covid-19. Lorsque des options de refroidissement sont envisagées, la qualité de l’air entre également en jeu. Pour se rafraîchir, les gens ouvrent les fenêtres, mais pas si la fumée des incendies de forêt introduit des niveaux toxiques de polluants atmosphériques à l’intérieur des logements. Dans ce cas, la climatisation est un choix spontané. Cependant, si l’électricité utilisée pour alimenter la climatisation est produite à partir de combustibles fossiles, les émissions qui conduisent au réchauffement augmenteront en conséquence.

Une option moins coûteuse et plus efficace sur le plan énergétique consiste à disposer de salles communes ou de centres de refuge climatisés, plutôt que d’opter pour une climatisation dans chaque unité. Cette solution permet d’obtenir également une filtration efficace des allergènes et des particules de feux de forêt. « But a common room doesn’t work during a pandemic! », dit Leung.

« There are layers upon layers of climate resilience. And sometimes, the response to one aspect acts against a response to another aspect », poursuit-elle. « It’s really complicated. Future climate data at least help. »

Remerciements

Les auteurs tiennent à sincèrement remercier Wilma Leung et Magda Szpala de BC Housing pour leur précieuse contribution à cette étude de cas.

Références

  1. Kosatsky, T., Henderson, S. B., and Pollock, S.L. (2012). Shifts in Mortality during a Hot Weather Event in Vancouver, British Columbia: Rapid Assessment with Case-Only Analysis. American Journal of Public Health, 102(12): 2367-2371. Online: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3519317/
  2. CBC News (2021, July 29). 70% of sudden deaths recorded during B.C. heat wave were due to extreme temperatures, coroner confirms. Online: https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/bc-heat-dome-sudden-deaths-570-1.6122316
  3. McKeown, D. (2015). Update on Extreme Heat and Maximum Indoor Temperature Standard for Multi-unit Residential Buildings. Online: https://www.toronto.ca/legdocs/mmis/2015/hl/bgrd/backgroundfile-85835.pdf
  4. Chebana, F., Martel, B., Gosselin, P., Ouarda, T., and Giroux, JX. (2013). A general and flexible methodology to define thresholds for heat health watch and warning systems, applied to the province of Québec (Canada). International Journal of Biometeorology, 57(4): 631-44. Online: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23100100/

« Future-Shifted Weather Files »

Le BC Energy Step Code exige une modélisation énergétique pour les bâtiments des parties 3 (bâtiment complexe) et 9 (bâtiment simple), qui utilise généralement des fichiers météorologiques basés sur les conditions climatiques historiques. Cependant, les « future-shifted weather files » pour l’ensemble du Canada sont maintenant disponibles pour permettre la modélisation énergétique. Ils ont été produits par le Pacific Climate Impacts Consortium (PCIC) à partir de modèles climatiques mondiaux en utilisant le scénario d’émissions de GES élevées (RCP 8.5) à l’ensemble de données le plus récent du Canadian Weather Year for Energy Calculation (CWEC 2016), pour chaque emplacement dans cet ensemble de données. Ces fichiers ont été produits pour trois périodes différentes de 30 ans (années 2020, années 2050 et années 2080).

Variables pertinentes

Examinez les variables pour savoir comment les données ont été utilisées pour influencer les décisions liées au climat dans des contextes spécifiques.

Les Degrés-jours de climatisation (DJC) donnent une indication de la quantité de refroidissement des bâtiments, c’est-à-dire de la climatisation nécessaire pour maintenir des conditions confortables dans un bâtiment pendant les mois les plus chauds. Lorsque la température moyenne quotidienne est supérieure à la température seuil, les DJC s’accumulent (voir Degrés-jours ci-dessus). Les valeurs seuils peuvent varier, mais la valeur de 18°C est couramment utilisée au Canada.   Des valeurs de DJC plus élevées indiquent un plus grand besoin de climatisation.

Description technique :

Le nombre de degrés-jours accumulés au-dessus de 18°C dans la période sélectionnée.

Utilisez l’option du menu Variables pour afficher les valeurs annuelles, mensuelles ou saisonnières de cet indice.

Visitez la page Analyser pour calculer les degrés-jours en utilisant différents seuils de température.


Les nuits tropicales (jours avec Tmin >18°C) décrivent le nombre de jours où la température nocturne basse est supérieure à 18°C. Les journées chaudes d’été et les vagues de chaleur sont physiologiquement stressantes, particulièrement si les températures de nuit n’offrent pas de soulagement frais. Les nuits tropicales rendent plus difficile pour le corps de se refroidir et de récupérer après des journées chaudes.

Les personnes âgées, les sans-abris et ceux qui vivent dans des maisons ou des appartements sans climatisation sont particulièrement vulnérables pendant ces épisodes de chaleur, en particulier si elles durent plus de quelques jours.

Description technique :

Une nuit tropicale survient lorsque la température minimale quotidienne (Tmin) dépasse 18 C.

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