Un bâtiment de résidence universitaire de type maison passive

Afin d'atteindre ses objectifs en matière d'émissions de GES pour 2040, l'Université de Victoria utilise les normes de maison passive, une norme de construction à haute performance et à faibles émissions. Cette étude de cas explore l'utilisation de fichiers de données climatiques projetées pour s'assurer que les exigences du budget énergétique et le confort thermique des occupants des bâtiments sont satisfaits pour l'avenir alors que le climat continue de se réchauffer.

Crédits de rédaction : Leigh Phillips. Auteurs collaborateurs : Nathalie Bleau, Kenneth Chow, Charles Curry, Jeremy Fyke, Robert Lepage, Trevor Murdock, Stacey O'Sullivan, Dan Sandink, Ryan Smith, Kari Tyler.

Éléments à retenir

  • Afin que dans le futur les bâtiments répondent à leurs objectifs fonctionnels et de conception (par exemple, le confort thermique des occupants et l’efficacité énergétique), la phase de conception doit intégrer à la fois les données climatiques historiques et les projections climatiques.
  • La disponibilité de données climatiques pertinentes localement et projetée doit être évaluée le plus tôt possible dans le processus de conception, car les données historiques peuvent ne plus être valides.

David Adams est un gestionnaire de l’énergie à l’Université de Victoria (UVic) qui travaille à réduire la consommation d’énergie. Il a joué un rôle important dans la conception de deux nouveaux immeubles résidentiels, l’une des plus importantes initiatives d’efficacité énergétique sur le campus à ce jour. Confrontée à un besoin de logements supplémentaires pour les étudiants, l’UVic avait opté pour la construction de Passive House dans le cadre de son objectif d’atteinte zéro émission nette d’ici 2040, ce qui correspond à peu près à ce qui est requis par l’Accord de Paris des Nations Unies afin de maintenir le réchauffement climatique à moins de 1,5 °C d’ici la fin du siècle. La maison passive est une norme volontaire de conception de bâtiments qui utilise, entre autres techniques, la super isolation, la ventilation à récupération de chaleur, l’emplacement et la taille des fenêtres ainsi que la gestion active de l’énergie, pour collecter passivement l’énergie solaire sous forme de chaleur en hiver et atteindre une consommation d’énergie nette très faible, voire nulle (dans les cas où l’énergie renouvelable est produite sur place). La conception peut même utiliser la chaleur corporelle et les gains de chaleur internes des appareils, de l’éclairage et de l’électronique pour chauffer un espace sans en compromettre le confort.

Par conséquent, lorsque la construction des deux tours sera terminée, l’université aura remplacé les quelques 40 lits de dortoir qu’offrait une ancienne résidence par plus de 700 lits, tout en réalisant une diminution nette significative des émissions de gaz à effet de serre du campus. De plus, l’ajout d’une cafétéria et d’amphithéâtres desservant tous les étudiants de l’UVic contribue à densifier davantage le campus, à réduire l’utilisation des terres et à favoriser l’écologie locale.

La conception de maisons passives nécessite une attention particulière à la manière dont les facteurs climatiques affectent le confort thermique des occupants. Par exemple, l’orientation du bâtiment par rapport au soleil, l’emplacement et la taille des fenêtres sont importants pour utiliser ou éviter les « gains thermiques », en fonction de la saison. Par ailleurs, la norme de confort thermique TM59 de la Chartered Institution of Buildings Services Engineers, spécifie que les températures intérieures ne doivent pas dépasser 26 °C pendant plus de 3% de l’année (ou 1% de l’année pour les température nocturne). Si on ne consulte pas les projections de température futures pour la région, e bâtiment pourrait se comporter comme une serre, entraînant le résultat indésirable d’une surchauffe. Ainsi, David avait besoin d’aide pour trouver des données climatiques appropriées pour simuler la performance des bâtiments proposés dans divers scénarios climatiques.

« With no other future climate data available for design at the time, our design team used historical climate data from Abbotsford because the city regularly gets hotter summers than Victoria. »

-David Adams, Gestionnaire de l’énergie: Université de Victoria

L’utilisation de données historiques d’Abbotsford comme analogue pour le futur de Victoria était initialement logique en raison de la température estivale moyenne nettement plus chaude dans la ville continentale par rapport à son homologue côtière, au cours de la période historique.

Les consultants en ingénierie étaient déjà au travail en utilisant les données d’Abbotsford lorsque David et ses collègues ont contacté le Pacific Climate Impacts Consortium (PCIC) à l’UVic. PCIC a été contacté en raison de son expérience dans l’analyse des données climatiques en Colombie-Britannique et dans la région de Victoria en particulier. PCIC a adapté les informations climatiques horaires actuellement utilisées pour évaluer le confort thermique dans les bâtiments afin de produire de nouvelles versions d’ensembles de données qui tiennent compte des changements climatiques futurs. Ces « future-shifted weather files » sont censés représenter les conditions typiques pour les années 2050 et 2080 en utilisant le scénario d’émissions de GES élevées (RCP 8.5). Ce scénario fournit la gamme de résultats la plus appropriée pour la conception, car l’ampleur des changements climatiques qui se produiront avec le scénario d’émissions élevées d’ici environ le milieu du siècle sera similaire à ce qui se produirait dans un scénario d’émissions de GES moyennes (RCP 4.5) plus tard au courant du siècle. Lorsque les concepteurs ont accédé à ces informations, ils ont réalisé que d’ici 2050, les étés devraient en fait être considérablement plus chauds à Victoria qu’ils ne le sont à Abbotsford présentement. Cela signifie que la conception telle que configurée (en particulier l’équipement mécanique) pour les étés historiquement les plus chauds à Abbotsford pourrait ne pas être suffisante pour assurer le confort thermique à Victoria dans le futur.

« It wasn’t quite an ‘Oh crap’ moment, because it was still sufficiently early on in the process, but this did require us to review and resize some of the heating and ventilation design; move a window from over here to over there, and so on », explique David.

Les contraintes énergétiques imposées par la conception de la maison passive sont importantes, de sorte que ces résultats ont des implications au-delà du seul confort thermique. Étant donné que les deux tours seront parmi les plus grands bâtiments certifiés Passive House en Amérique du Nord, l’UVic a travaillé en étroite collaboration avec l’Institut Passivhaus de Darmstadt, une institution de recherche de première ligne qui fournit également des services de certification et de conseil expert dans la conception d’un large éventail de types de construction de maisons passive. Compte tenu de l’ampleur du projet de l’UVic, l’exercice était même nouveau pour eux. Par exemple, les restaurants sont très énergivores et ne rentrent normalement pas dans le modèle de la maison passive. Mais la cafétéria que l’UVic avait envisagée serait importante et desservirait tout le campus. Des consultations ont même eu lieu entre l’UVic et l’Institut sur le menu alimentaire afin de réduire la consommation d’énergie dans la cuisine, c’est-à-dire moins de plats chauds comme les pizzas et les hamburgers et plus de plats froids comme les sandwichs et les sushis.

En examinant les projections climatiques à long terme de PCIC, Adams et son équipe ont également réalisé que d’ici 2080, leur conception ne serait plus en mesure de répondre aux exigences de refroidissement des espaces afin de maintenir les occupants dans un niveau de confort thermique sain (figure 1). Cette constatation a donné lieu à un débat sur la question à savoir s’il fallait revoir complètement la conception (ce qui occasionnerait une augmentation substantielle des coûts pour un autre système de refroidissement), ou s’il fallait postposer les mesures à prendre, étant donné que les changements potentiels des exigences en matière de construction dans six décennies sont largement inconnus. La révision serait beaucoup plus coûteuse et nécessiterait un tout autre type d’équipement mécanique. L’équipe a conclu que l’ajout d’un système de refroidissement alternatif nécessiterait des sacrifices majeurs à la fonctionnalité de base du bâtiment afin de l’intégrer dans le budget du projet, et n’était donc pas financièrement réalisable pour le moment.

Figure 1. Augmentation des risques de surchauffe des bâtiments dans le temps

Illustration conceptuelle de l'évolution du risque de surchauffe dans un bâtiment conçu à partir de données météorologiques historiques à mesure que les températures extérieures augmentent avec les changements climatiques. Un bâtiment conçu pour être confortable dans des conditions historiques peut devenir inconfortable ou même dangereux dans les conditions climatiques futures1. Remarque : la valeur R fait référence à la capacité d'un matériau à limiter le flux de chaleur. Les enveloppes de bâtiment avec des valeurs R élevées sont économes en énergie, mais peuvent également retenir la chaleur excédentaire si la conception n'inclut pas de stratégies de refroidissement adéquates.

En fin de compte, l’équipe a choisi de s’en tenir à la solution qui a permis d’améliorer la conception originale afin de répondre aux conditions estivales plus sévères prévues pour Victoria en 2050. Mais le fait de réaliser que des changements importants dans la conception d’un bâtiment seraient nécessaires selon que l’horizon temporel supposé du bâtiment devrait être de 30 ans au lieu de 60 ans, les a fait réfléchir. Ils ont pris conscience de la difficulté, mais aussi la nécessité, de prendre aujourd’hui des décisions d’adaptation locales en matière d’adaptation sur la base des meilleures informations climatiques disponibles et prospectives que la science peut fournir.

Remerciements

Les auteurs tiennent à sincèrement remercier David Adams de l’Université de Victoria pour sa précieuse contribution à cette étude de cas.

Références

  1. BC Housing (2019). BC Energy Step Code: Design Guide Supplement S3 on Overheating and Air Quality. Online: https://www.bchousing.org/research-centre/library/residential-design-construction/bc-energy-step-code-design-guide

« Future-Shifted Weather Files »

Le BC Energy Step Code exige une modélisation énergétique pour les bâtiments des parties 3 (bâtiment complexe) et 9 (bâtiment simple), qui utilisent généralement des fichiers météorologiques basés sur les conditions climatiques historiques. Cependant, les « future-shifted weather files » pour l’ensemble du Canada sont maintenant disponibles pour permettre la modélisation énergétique. Ils ont été produits par le Pacific Climate Impacts Consortium (PCIC) à partir de modèles climatiques mondiaux en utilisant le scénario d’émissions de GES élevées (RCP 8.5) à l’ensemble des données au plus récent du Canadian Weather Year for Energy Calculation (CWEC 2016), et ce, pour chaque emplacement dans cet ensemble de données. Ces fichiers ont été produits pour trois périodes différentes sur 30 ans (années 2020, 2050 et 2080).

Variables pertinentes

Examinez les variables pour savoir comment les données ont été utilisées pour influencer les décisions liées au climat dans des contextes spécifiques.

Les Degrés-jours de climatisation (DJC) donnent une indication de la quantité de refroidissement des bâtiments, c’est-à-dire de la climatisation nécessaire pour maintenir des conditions confortables dans un bâtiment pendant les mois les plus chauds. Lorsque la température moyenne quotidienne est supérieure à la température seuil, les DJC s’accumulent (voir Degrés-jours ci-dessus). Les valeurs seuils peuvent varier, mais la valeur de 18°C est couramment utilisée au Canada.   Des valeurs de DJC plus élevées indiquent un plus grand besoin de climatisation.

Description technique :

Le nombre de degrés-jours accumulés au-dessus de 18°C dans la période sélectionnée.

Utilisez l’option du menu Variables pour afficher les valeurs annuelles, mensuelles ou saisonnières de cet indice.

Visitez la page Analyser pour calculer les degrés-jours en utilisant différents seuils de température.


Les nuits tropicales (jours avec Tmin >18°C) décrivent le nombre de jours où la température nocturne basse est supérieure à 18°C. Les journées chaudes d’été et les vagues de chaleur sont physiologiquement stressantes, particulièrement si les températures de nuit n’offrent pas de soulagement frais. Les nuits tropicales rendent plus difficile pour le corps de se refroidir et de récupérer après des journées chaudes.

Les personnes âgées, les sans-abris et ceux qui vivent dans des maisons ou des appartements sans climatisation sont particulièrement vulnérables pendant ces épisodes de chaleur, en particulier si elles durent plus de quelques jours.

Description technique :

Une nuit tropicale survient lorsque la température minimale quotidienne (Tmin) dépasse 18 C.

Utilisez l’option du menu Variables pour afficher les valeurs annuelles, mensuelles ou saisonnières de cet indice.

Visitez la page Analyser pour calculer les degrés-jours en utilisant différents seuils de température.