Transcription en français
Introduction
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Rachel Malena-Chan :
Les changements climatiques ont déjà une incidence sur les grands projets d’infrastructure de transport au Canada, comme les routes, les ponts et les ports, ainsi que sur la conception de nos villes et de nos réseaux de services. Il s’agit d’investissements clés effectués par le secteur public et le secteur privé. Il y a une vingtaine d’années, les professionnels du secteur de l’ingénierie et d’autres domaines des transports ont commencé à se mobiliser pour reconnaître et intégrer les changements climatiques dans leur réflexion.
L’épisode d’aujourd’hui du balado D’ici à là-bas porte sur les évaluations des risques climatiques et la façon dont les processus d’adaptation aux changements climatiques ont commencé à prendre racine dans le contexte canadien. Je m’appelle Rachel Malena-Chan, et je serai votre guide pour l’épisode d’aujourd’hui, alors que nous discuterons avec des fournisseurs de services climatiques qui aident le secteur des transports à renforcer sa résilience et à travailler de façon créative pour nous amener « d’ici à là ».
Il importe de souligner que les points de vue exprimés dans cet épisode ne reflètent pas nécessairement celles de donnéesclimatiques.ca ou de ses partenaires.
À l’épisode d’aujourd’hui, nous discuterons avec M. Guy Félio, qui travaille dans le domaine de l’évaluation des impacts environnementaux et des risques climatiques depuis plus de 35 ans à titre de professeur d’université et d’éducateur, de chercheur, de consultant et de conseiller en politiques. Il a une formation de base en génie civil, mais on le connaît surtout aujourd’hui comme « Dr Infrastructure », consultant pour une vaste gamme de projets d’évaluation des risques climatiques, ainsi que pour plusieurs projets d’évaluation des risques liés aux transports.
Nous allons également entendre aujourd’hui Ryan Smith, membre du Centre canadien des services climatiques, qui nous aidera à comprendre comment les gens du secteur des transports peuvent utiliser les données climatiques dans leur travail.
Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte dans la construction d’une infrastructure qui pourrait durer toute une vie. À l’ère des changements climatiques, il est encore plus difficile que d’habitude de comprendre tous les risques qui pourraient survenir. Lorsque les propriétaires et les exploitants d’infrastructures de transport doivent tenir compte des changements climatiques, ils se tournent souvent vers des personnes comme Guy Félio pour effectuer une évaluation des risques climatiques.
J’ai discuté avec lui afin de comprendre en quoi consistent les évaluations des risques climatiques, comment elles sont effectuées, comment elles influent sur les projets de transport et comment elles ont pris forme au Canada.
Partie 1 : Retour sur les évaluations des risques climatiques au Canada
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Rachel Malena-Chan :
Eh bien, M. Félio, merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Parlez-nous un peu de votre rôle et ramenez-nous à certains des principaux points tournants dans le monde de l’évaluation des risques climatiques.
Guy Félio :
Eh bien, merci beaucoup. Je m’appelle Guy Félio, je suis ingénieur civil et je fais des évaluations des risques climatiques depuis maintenant 15 ou 17 ans. J’ai commencé ma carrière en tant que professeur. Tout au long de ma carrière, j’ai enseigné et je continue d’enseigner. Et je pense que la chose la plus précieuse que je puisse faire est de transmettre mes connaissances à la prochaine génération qui devra vivre avec de grands changements climatiques – c’est mon objectif.
Pour ce qui est des principaux tournants, à mon avis, il y a deux événements qui se sont produits en 2005 et qui m’ont frappé. Cette année-là, on a lancé beaucoup d’activités liées aux évaluations des risques climatiques au Canada et à la mise au point d’excellents outils que nous utilisons encore aujourd’hui et qui continuent d’évoluer.
Le premier événement a eu lieu en août 2005; une tempête de pluie relativement forte dans la région de Toronto. Très courte durée, environ une demi-heure, mais une grande quantité d’eau est tombée pendant cette période et beaucoup de régions à l’est, autour de Markham et de Toronto, ont été durement touchées et inondées. Sur l’avenue Finch, qui est un accès important d’est en ouest à Toronto, un des ponceaux a été complètement emporté en une demi-heure environ.
Toutefois, quand on pense à ce ponceau en particulier, le coût de la réparation en 2005 était d’environ 4 millions de dollars. Ce qui a vraiment commencé à frapper les professionnels, c’est le fait que les pertes assurées et non assurées dues à la défaillance d’un ponceau atteignaient près de 500 millions de dollars. Donc, maintenant, vous pouvez imaginer avoir un ponceau d’une valeur de 4 millions de dollars qui, s’il est endommagé, entraînera des pertes de plus de 100 fois sa valeur.
À l’époque, la ville de Toronto faisait le décompte du nombre de ponceaux dans la ville et en a compté environ 150. Il fallait donc vraiment songer à cela et se dire : « Oh, si nous avons des systèmes d’infrastructure qui tombent en panne, ils vont causer d’importants dommages et coûts. »
L’autre chose qui s’est produite exactement cette année-là, c’est que Ressources naturelles Canada a communiqué avec Ingénieurs Canada, l’organisme-cadre qui chapeaute les ingénieurs professionnels agréés du pays, pour leur demander d’évaluer la vulnérabilité de l’infrastructure au pays. Et Ingénieurs Canada a répondu : « Oui, nous sommes très intéressés. » Comme vous le savez, les ingénieurs sont toujours heureux à l’idée de relever de nouveaux défis, surtout dans ce domaine, qui est très important pour le pays et les ingénieurs, et ils se sont rendu compte que nous avions besoin d’un outil. Ils ont créé le Comité sur la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures publiques, ou CVIIP. Nous nous sommes demandé : « Comment allons-nous procéder pour cette évaluation de la vulnérabilité? Quel genre d’outils allons-nous avoir? » Et pendant deux ans, nous avons mis au point le Protocole du CVIIP, qui est un outil d’évaluation de la vulnérabilité.
Rachel Malena-Chan :
Le Protocole du CVIIP a eu un effet transformateur sur l’adaptation aux changements climatiques au Canada. Les ingénieurs des transports qui ont dirigé l’élaboration de ce cadre ont amorcé un processus qui façonne les routes que nous parcourons, les ponts que nous traversons et les bâtiments où nous habitons. Dans les évaluations des risques climatiques, on utilise des outils comme le Protocole du CVIIP en guise de modèle pour comprendre les besoins en données climatiques.
Guy Félio :
Lorsque je me suis joint au CVIIP en 2005, j’ai vu cette relation entre la gestion des biens et les évaluations des risques climatiques, car la gestion doit tenir compte du cycle de vie complet et un grand nombre des biens que nous avons durent très longtemps.
Vous savez, prenez par exemple un pont qui a 75, 100 ans, des conduites d’eau, des tuyaux d’égout qui sont enfouis et on s’attend à ce qu’ils durent 80 ou 100 ans. Par conséquent, nous savons que pendant la durée de vie utile de ces biens, le climat va changer, et qu’en raison de ce changement, il y aura des risques.
Traditionnellement, ce que faisaient les codes et les normes, par exemple, le Code national du bâtiment, le Code de la route ou d’autres, c’est : « D’accord, quel a été le climat au cours des 30, 40 ou 50 dernières années? » Ils ont dit : « D’accord, vous savez, ce sera la projection de ce qui se passera à l’avenir. » Mais encore une fois, en 2000, en 2005, grâce au travail des organisations mondiales, nous nous sommes rendu compte que l’avenir allait changer radicalement du point de vue climatique, et nous ne pouvons plus dire que le passé est garant de l’avenir.
Pour ma part, je me suis dit : « Oh, c’est génial, je peux maintenant évaluer les risques pour ces biens du point de vue climatique tout au long de leur cycle de vie. » J’ai donc été très enthousiaste, et je le suis encore aujourd’hui, car cela nous permet vraiment de gérer les risques dans un contexte structuré, c’est-à-dire la gestion des biens.
Rachel Malena-Chan :
C’était en 2005, et vous y travaillez depuis 15 ou 20 ans. J’imagine qu’il y a eu beaucoup de difficultés au début à essayer d’organiser un tel travail. À quoi avez-vous dû faire face au début des évaluations climatiques?
Guy Félio :
Je me souviens de deux grands défis, et je pense que beaucoup de collègues de l’époque qui pratiquent encore seront d’accord avec moi.
Où pouvons-nous trouver les données climatiques? Nous savons comment obtenir des données techniques. Maintenant, nous avons besoin de données climatiques, des données qui sont vraiment pertinentes pour les biens ou l’infrastructure que nous étudions à l’échelle locale et qui n’existaient pas à l’époque. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de chance. Je donne un cours sur l’évaluation des risques climatiques et je dis aux étudiants : « Eh bien, vous avez tellement de chance parce que vous pouvez ouvrir un site Web, visiter donnéesclimatiques.ca, consulter Atlas climatique, et vous avez une foule de données climatiques. » À l’époque, nous n’avions pas ces ressources.
Il n’y avait en réalité que deux organisations qui participaient à plusieurs des applications du protocole du CVIIP. L’une est le Consortium sur les changements climatiques d’Ouranos, à Montréal, et l’autre est le PCIC, le Pacific Climate Impacts Consortium de l’Université de Victoria. Et leurs climatologues ont certainement joué un rôle aux premiers jours de développement de ces outils et participé à leur application.
C’était très utile parce que maintenant, lorsque nous faisons une évaluation des risques climatiques, nous avons une ressource technique fondée sur la science du climat. Vous savez, je suis ingénieur civil et les ingénieurs civils ne sont pas vraiment formés en climatologie. Je ne pense même pas que lorsque j’étais à l’école, on offrait des cours de climatologie. C’était donc l’un des défis. Je pense que nous avons parcouru beaucoup de chemin au cours de ces 15 ou 17 années.
Rachel Malena-Chan :
Notre deuxième invité aujourd’hui est Ryan Smith, du Centre canadien des services climatiques. Ryan travaille avec une équipe de personnes qui fournissent des services climatiques au moyen de l’outil Web donnéesclimatiques.ca. Il est ici pour nous aider à comprendre ce que nous entendons par « services climatiques », et il nous éclairera sur la façon dont les professionnels des transports appliquent les données climatiques à leur prise de décisions quotidienne.
Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Vous travaillez au Centre canadien des services climatiques depuis ses débuts. J’aimerais que vous nous parliez un peu de vos antécédents, de votre rôle et comment vous en êtes venu à travailler principalement sur les services de données climatiques.
Ryan Smith :
Merci de m’avoir invité aujourd’hui. Comme beaucoup d’entre nous au Centre canadien des services climatiques, je suis ici parce que j’ai toujours été très passionné par les questions environnementales. J’ai passé les dix dernières années environ à étudier la science du climat, à enseigner à l’Université de Winnipeg et à donner des présentations, et j’essaie généralement de sensibiliser la population à la très grave menace que représentent les changements climatiques pour tous les Canadiens. À mon avis, le CCSC est un moyen de canaliser cette passion et d’atteindre un public plus vaste que jamais.
Rachel Malena-Chan :
Alors, dites-nous en plus sur ce que fait le Centre canadien des services climatiques, « le CCSC », et comment il est conçu pour soutenir le secteur des transports?
Ryan Smith :
Le Centre canadien des services climatiques a été créé en 2017 et il s’agit d’une division d’Environnement et Changement climatique Canada. Sa mission principale est de fournir des services climatiques à tous les Canadiens, ce qui, bien entendu, inclut les gens du secteur des transports.
L’expression « services climatiques » est peut-être un peu étrange si vous ne l’avez jamais entendue auparavant. Par contre, nous connaissons probablement tous les services météorologiques, n’est-ce pas? Les services météorologiques consistent à prendre des données brutes des stations météorologiques et à mettre au point des produits et des services comme des prévisions, qui sont ensuite conçus pour être faciles à utiliser, accessibles directement à partir de votre téléphone, en utilisant un langage simple et des chiffres qui sont compréhensibles et pertinents.
Les services climatiques essaient donc de faire exactement la même chose, mais avec des données climatiques. Au lieu de fournir des prévisions, nous fournissons des projections, les changements au modèle du climat futur, puis nous créons des services à l’aide de ces données pour soutenir les praticiens. Nous avons une équipe qui répond aux demandes. Nous aidons à créer des cartes et d’autres produits de données utiles, puis nous travaillons avec notre base d’utilisateurs pour déterminer le type de données et de produits dont ils ont besoin pour mieux comprendre les risques liés aux changements climatiques.
Rachel Malena-Chan :
Guy Félio nous a dit qu’il y avait seulement quelques partenaires régionaux offrant des services climatiques en 2005, lorsqu’il a commencé à faire des évaluations des risques climatiques. Comment le paysage a-t-il changé et comment le CCSC travaille-t-il avec les partenaires régionaux aujourd’hui?
Ryan Smith :
Oui. Alors le Centre canadien des services climatiques n’est certainement pas le seul fournisseur de services climatiques au monde. Nous travaillons en étroite collaboration avec diverses organisations partout au Canada, y compris le Pacific Climate Impacts Consortium de la Colombie-Britannique. Nous avons ClimateWest dans les Prairies, Ouranos au Québec et CLIMAtlantic dans l’Est, et nous travaillons en étroite collaboration sur de nouvelles données et de nouveaux produits. De cette façon, nous veillons à ce que notre travail fasse autorité et qu’il soit examiné par les pairs et cohérent.
Nous avons aidé à publier sur le Web un grand nombre d’excellentes données climatiques, et il est maintenant plus facile que jamais de les télécharger et de les utiliser. Cependant, nous devons maintenant déterminer comment aller plus loin, pour créer des produits qui font en sorte que le renforcement de la résilience climatique dans tous les projets de transport au pays devienne une seconde nature. C’est le grand défi.
Partie 2 : Données climatiques et « éléments à risque » dans le secteur des transports
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Rachel Malena-Chan :
Ryan nous en dira davantage plus tard, mais pour l’instant, revenons à notre conversation avec Guy Félio et parlons du deuxième défi qu’il a dû relever au début, lorsque les risques climatiques commençaient tout juste à devenir une priorité pour les professionnels à l’échelle du pays.
Guy Félio :
Lorsque nous pensons à effectuer l’une de ces évaluations des risques climatiques et, encore une fois, au début lorsque nous avons mis sur pied des équipes pour cela, nous nous sommes rapidement rendu compte que les ingénieurs étaient peut-être nécessaires au sein de l’équipe, mais qu’ils n’étaient pas suffisants. Et, vous savez, les climatologues sont également nécessaires, mais ils ne sont pas suffisants. Il y a au moins un autre groupe qui doit être présent, et ce sont les personnes qui s’occupent des opérations quotidiennes et de l’entretien de ces biens parce qu’ils vivent avec eux, ils les voient, ils sont témoins de ce qui arrive à leurs biens. Ils se souviennent de ce qui a eu une incidence sur ces biens par le passé, et ils savent également ce qui doit être fait pour accroître leur force ou leur résilience.
C’est-à-dire, là nous ne parlons pas de résilience, mais nous disons : « Vous avez ces risques. C’est ainsi que vous devez procéder. » Et typiquement, les gens se disaient : « Oh, pour être plus résilient, il faut construire plus grand et plus fort. » Et nous avons dit : « Non, non, non, non, non. C’est la mauvaise approche. » Parce que, oui, dans certains cas, vous pourriez avoir besoin de construire plus gros et plus fort. Mais dans d’autres cas, comme vous le diront vos responsables de l’exploitation et de l’entretien, si vous faites un entretien adéquat de vos biens, gardez-les en bon état, en respectant leurs capacités de départ, vous serez alors en mesure d’atténuer certains de ces risques et beaucoup mieux préparé pour tenir compte de ce qui se passera dans le climat à l’avenir.
Rachel Malena-Chan :
Le processus d’évaluation des risques climatiques a certainement évolué au cours des 15 dernières années, et vous avez travaillé avec le secteur des transports en particulier pour évaluer les dangers que les changements climatiques posent pour des choses comme les chemins de fer, les routes, les ports et les aéroports. Expliquez-nous donc un peu ce à quoi ressemble l’optique de l’évaluation des risques climatiques dans les décisions prises par le secteur des transports.
Guy Félio :
Il y a beaucoup de choses qui ont trait au transport. Il peut s’agir de clients du secteur privé, des provinces, des territoires, du gouvernement fédéral, des municipalités et des Premières Nations. Divers groupes de diverses industries qui ne travaillaient jamais vraiment ensemble commencent à collaborer. C’est très intéressant. On apprend beaucoup.
Dans mon rôle au cours de ces évaluations des risques climatiques, comme je l’ai dit, je suis ingénieur civil et donc j’ai très peu de connaissances sur tout ce qui se passe dans un aéroport ou un port, par exemple. Par contre, je peux travailler avec tous ces experts en la matière et mon travail consiste en fait à les amener à fournir des renseignements, que ce soit au sujet des opérations d’ingénierie ou pour obtenir la contribution des spécialistes scientifiques du climat ou des climatologues. Ce que je fais vraiment, c’est extraire ce qui pourrait potentiellement entraîner des risques à partir de toutes ces données et les structurer de manière à les mettre en évidence : « Voici ce que vous avez fait de positif pour gérer ces risques. Mais voici quelques lacunes. Voici ce sur quoi vous devez travailler. »
N’oubliez pas que l’infrastructure n’a qu’un seul but, celui de fournir un service. Vous protégez donc l’infrastructure. Pourquoi? Parce que vous protégez le service. Et c’est ce que les gens veulent. Ils veulent que leurs services soient protégés. Ils ne sont pas vraiment préoccupés par le fait que vous avez 2 000 kilomètres de conduites d’égout ou d’eau. Tout ce qu’ils veulent, c’est que lorsqu’ils ouvrent le robinet, l’eau coule et c’est une bonne eau. Lorsqu’ils prennent leur voiture ou le transport en commun, ils peuvent se rendre en toute sécurité du point A ou au point B avec un minimum de perturbations. C’est le service. En tant que professionnels, nous avons la responsabilité de nous assurer que les biens qui fournissent le service sont là et au niveau de sécurité et de qualité auquel les gens s’attendent.
Il faut savoir quels sont les éléments à risque. J’utilise ce terme parce que les « éléments » qui sont à risque peuvent être des biens matériels, comme l’environnement bâti, les immeubles, les routes, les pistes d’aéroport, etc. Mais il peut aussi s’agir de personnes, ou de l’environnement naturel, parce qu’aujourd’hui, nous intégrons de plus en plus l’environnement naturel dans nos processus de gestion des biens, et ainsi de suite. Il y aussi les activités de ces personnes. Par conséquent, je ne peux pas me contenter de parler seulement de « biens ». Je les appelle des éléments à risque.
C’est donc la première composante. Il faut identifier les éléments et il faut que les personnes qui les connaissent soient à la table. Deuxièmement, il faut bien comprendre ces dangers, et pour nous, c’est le climat. Nous voulons déterminer quels sont les dangers qui pourraient avoir une incidence sur les éléments à risque.
Rachel Malena-Chan :
Nous parlons donc aujourd’hui de l’évaluation des risques climatiques et de la nécessité de comprendre l’incidence du réchauffement planétaire sur les infrastructures et les activités importantes, surtout dans le secteur des transports. Ryan, comment les services de données climatiques peuvent-ils être intégrés à un processus d’évaluation des risques comme celui que dirige Guy Félio?
Ryan Smith :
Bien, donc, l’élément central de toute évaluation des risques climatiques est de comprendre comment le climat est susceptible de changer au cours des prochaines décennies. La plupart des professionnels ont une idée de l’incidence du climat sur leurs activités. Habituellement, lorsqu’un seuil critique a été atteint ou dépassé, par exemple, des précipitations trop intenses en un très court laps de temps pouvant entraîner des inondations, ou des températures extrêmes pouvant causer des problèmes pour la santé humaine, ou des infrastructures endommagées, comme des déformations et défoncements, ce genre de choses.
Dans la plupart des cas, lorsqu’une organisation prend l’initiative d’effectuer une évaluation des risques liés aux changements climatiques, elle cherche à déterminer où elle est vulnérable, puis comment les changements climatiques peuvent entraîner une augmentation de la fréquence ou de la gravité de ces types d’événements ayant des répercussions. Il faut donc des données climatiques, oui, mais peut-être encore plus important, il faut des connaissances locales.
Il faut une compréhension approfondie de la vulnérabilité d’un système face aux conditions météorologiques extrêmes, une idée de la façon dont les changements à long terme des précipitations et de la température peuvent exacerber ces problèmes et être capable de prévoir le genre de dangers émergents auxquels nous devons commencer à nous préparer. Et je pense que pour la plupart des Canadiens, les vagues de chaleur fréquentes et intenses et les incendies et les problèmes de santé qu’ils déclenchent, sont l’un de ces dangers émergents, et que beaucoup de personnes réalisent maintenant qu’il s’agit d’une menace à laquelle nous faisons face chaque année.
Nous organisons donc des webinaires, nous participons à des conférences et nous communiquons avec toutes sortes d’utilisateurs de données climatiques d’autres ministères comme Transports Canada, des groupes comme l’Association des transports du Canada et des associations industrielles comme l’Ontario Road Builders Association. L’industrie est donc habituée à utiliser des données historiques, ce qui signifie faire référence à un seul chiffre et ne pas avoir à composer avec des incertitudes liées aux modèles climatiques, comme choisir un scénario approprié d’émissions de carbone.
Rachel Malena-Chan :
Vous avez mentionné les différents scénarios auxquels nous devrions peut-être nous préparer et qu’il faut un effort mondial pour atténuer les changements climatiques. Nous ne savons donc pas vraiment quels sont les chiffres à utiliser pour cette planification. Comment vous y prenez-vous ou comment aidez-vous les professionnels du secteur des transports à composer avec cette incertitude alors qu’ils sont tellement habitués à utiliser un nombre plus fixe du passé?
Ryan Smith :
Absolument. Je pense que c’est l’un des principaux défis liés à l’utilisation des données climatiques. L’idée que l’avenir est fondamentalement inconnu. Les modèles climatiques sont étonnants, mais ce ne sont pas des boules de cristal. Ils ne nous disent pas, comme par magie, à quoi ressemblera l’avenir. Les changements climatiques sont un problème d’origine humaine, et il faut donc savoir comment le comportement humain va changer à l’avenir.
Nous ne pouvons pas le savoir. C’est une chose qu’il est impossible à déterminer. Nous produisons plutôt des scénarios. Nous disons, d’accord, en supposant que l’humanité se mobilise et que nous faisons tous notre part, que nous atteignons l’objectif de 1,5 degré de réchauffement planétaire de l’Accord de Paris, alors à quoi ressemblerait cet avenir par rapport à l’inverse?
Nous obtenons ainsi une très grande gamme d’émissions potentielles de gaz à effet de serre et, par conséquent, une très grande gamme de conditions climatiques futures qui sont possibles ou probables. Cependant, même s’il y a une grande incertitude, surtout à l’approche de la fin du siècle, je pense qu’une fois que les praticiens auront compris qu’il ne s’agit pas de choisir et de s’en tenir à un scénario pour l’avenir, mais plutôt de prévoir un certain nombre de changements climatiques, une valeur qui coïncide bien avec la durée de vie prévue d’une infrastructure, une fois que nous aurons compris cette partie, il sera moins difficile de composer avec une gamme de scénarios d’émissions.
Partie 3 : Les évaluations des risques climatiques à l’œuvre
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Rachel Malena-Chan :
M. Félio, vous voyez de près les défis et les résultats de l’évaluation des risques climatiques. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de projets qui se sont démarqués au cours des dernières années? Et que peuvent-ils nous dire au sujet des risques climatiques et de la réflexion sur l’adaptation au climat dans le secteur des transports?
Guy Félio :
Lorsqu’on parle d’une collectivité, n’importe quelle collectivité ou n’importe quelle industrie, le secteur du transport devient une infrastructure essentielle. J’ai beaucoup travaillé avec les Premières Nations de l’Ontario, de la Saskatchewan et du Québec, et le transport, surtout pour les collectivités éloignées, c’est vraiment une infrastructure essentielle.
En collaboration avec ces collectivités, certainement la Première Nation Moose Cree et Moose Factory dans le nord de l’Ontario, près de la baie James et de la frontière du Québec, nous avons appliqué un outil qui est une version du CVIIP pour les Premières Nations. Il a été élaboré en collaboration avec l’Ontario First Nations Technical Services Corporation, qui devait prendre cet outil du CVIIP et l’adapter pour les Premières Nations.
Cette collectivité est une collectivité insulaire. D’accord, alors essentiellement, elle se trouve près de la ville de Moosonee, mais elle est entourée par un cours d’eau. En hiver, il y a une route d’hiver. En été, il y a une barge ou des bateaux-taxis. Le reste du temps, par exemple lorsque la glace n’est pas assez solide ou qu’il y a des embâcles, etc., la seule façon de se rendre à l’île est par hélicoptère. Donc, quand on y pense, même si on construit une usine de traitement de l’eau ou un réseau d’égout pour cette collectivité, le transport devient immédiatement un bien essentiel qu’il faut examiner.
Par exemple, il y a la chaîne d’approvisionnement. Comment obtenir les produits chimiques pour votre usine de traitement de l’eau lorsque vous n’avez pas de routes de glace ni de service de barge. Il faut les transporter par hélicoptère. Eh bien, ça devient coûteux. Et la nourriture et même le transport des étudiants s’ils doivent se rendre en ville ou sur le continent. Le transport devient donc un bien ou un service vraiment essentiel sur lequel ils comptent pour tout ce dont la collectivité a besoin.
Et il y a beaucoup, beaucoup de ces communautés qui ont besoin d’un accès par avion à travers le nord. Et pour elles, encore une fois, comme le climat change plus rapidement dans les collectivités du Nord que dans les collectivités du Sud, cela signifie qu’elles sont beaucoup plus touchées.
Rachel Malena-Chan :
C’est intéressant parce que ce n’est pas seulement une question de changement de température, mais aussi de l’incidence de ce changement sur le fonctionnement du service que vous examinez. Quelle incidence a-t-il sur les chaînes d’approvisionnement, les résultats en matière d’éducation ou les résultats pour la santé dans une collectivité éloignée? Il ne s’agit pas seulement de penser à l’infrastructure physique et aux répercussions physiques, mais aussi à la fonction et au service qu’elle est censée fournir et aux perturbations que le climat a sur ce front également.
Guy Félio :
Absolument. Encore une fois, je reviens à notre conversation précédente, à savoir que si vous commencez à vous concentrer sur le service, vous commencez à cerner tous ces aspects qui vont au-delà de l’infrastructure matérielle, puis vous pouvez commencer à chercher des solutions. Quand on parle d’adaptation, cela ne veut pas dire qu’il faut tout faire aujourd’hui. Si nous prévoyons que les températures de 40 degrés vont se produire dans les années 2080, il n’est pas nécessaire d’installer maintenant une super climatisation. Toutefois, si vous construisez un bien ou une infrastructure qui va durer aussi longtemps, il faut simplement prévoir l’espace nécessaire dans l’immeuble pour y installer des systèmes de climatisation plus grands pour éviter d’avoir à rénover l’immeuble lorsque vous aurez besoin de ce système.
En fait, c’est le principe que la Commission de transport de Montréal a appliqué lorsqu’elle envisageait l’expansion du métro. On construit une nouvelle station de métro qui sera profondément enfouie. On sait qu’éventuellement, on aura besoin de plus grands systèmes de climatisation et on ne veut pas être obligé de creuser près de la station de métro secondaire existante pour installer cet équipement plus gros. Pendant la construction, faisons de la place pour le nouvel équipement de climatisation dont nous aurons besoin à l’avenir. Et vous savez quoi? Si vous n’en avez pas besoin, vous aurez de l’espace supplémentaire. Donc, vous pourrez l’utiliser pour ce que vous voulez. C’est une solution sans regret.
Rachel Malena-Chan :
Cela semble être une bonne façon de gérer cette incertitude inhérente également. Il ne s’agit pas d’attendre d’avoir le chiffre parfait et une certitude parfaite concernant ce qui nous attend, mais de comprendre de façon globale qu’un changement va se produire, qu’il est déjà en train de se produire et qu’il se produira au cours de la durée de vie de certaines des infrastructures que nous construisons. Donc, comme vous l’avez dit, prendre les devants – et parfois, laisser de la place pour une solution future, sans nécessairement avoir toutes les réponses le premier jour.
Partie 4 : Les prochaines étapes de la résilience
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Rachel Malena-Chan :
Compte tenu de votre vaste expérience de travail avec le milieu des transports au cours des dernières décennies, comment voyez-vous l’évolution de l’utilisation des données climatiques dans le secteur du transport? Comment la portée a-t-elle changé? Ou comment d’autres personnes ou des personnes différentes ont-elles été invitées à la table?
Guy Félio :
La perspective des données climatiques était encourageante, particulièrement au Canada. Nous avons beaucoup de chance de disposer de ces données publiques, de l’évolution des modèles et du type d’analyse que nous pouvons réaliser avec ces données.
C’est vraiment fascinant de voir comment ce domaine a évolué, et même récemment, vous savez, nous parlons des cinq dernières années, ces outils n’étaient pas aussi complets.
Rachel Malena-Chan :
Cette conversation sur l’adaptation aux risques climatiques évolue et prend de l’ampleur d’une année à l’autre. M. Smith, quelle est votre vision pour le site Web donnéesclimatiques.ca et les services semblables?
Ryan Smith :
C’est une excellente question. Ma vision, c’est que donnéesclimatiques.ca continue d’évoluer afin de devenir le système souple qu’il doit être pour que nous puissions l’utiliser avec la myriade d’applications différentes qui existent. Ce que nous avons appris, c’est que la façon dont une entreprise de construction routière utilise les données climatiques est extrêmement différente de la façon dont un ministère pourrait l’utiliser.
Il faut développer des systèmes puissants, souples et surtout faciles à comprendre. Jusqu’à présent, nous avons fait du très bon travail pour ce qui est de fournir des conseils et du matériel de formation sur tous nos produits, mais nous devons aller beaucoup, beaucoup plus loin. Nous devons d’abord et avant tout améliorer la littératie climatique, si nous voulons que les gens puissent comprendre et utiliser les données climatiques.
Nous avons les données, nous comprenons l’orientation du climat. Maintenant, il faut trouver une façon d’appliquer ces renseignements dans le monde réel.
Rachel Malena-Chan :
Ce qui me frappe, c’est qu’il y a de l’enthousiasme et que de plus en plus de personnes voient cela comme faisant partie de leur travail. Je pense que les services climatiques, les données climatiques et les emplois liés au climat étaient autrefois considérés comme des choses distinctes et en vase clos. Mais nous ressentons cette transition maintenant, je crois, où de plus en plus de personnes se rendent compte que leur vie est touchée par les changements climatiques, que leur travail les oblige à en tenir compte, surtout lorsque nous pensons à long terme, comme l’infrastructure de transport. Je suis d’accord avec vous, je pense qu’il y a beaucoup d’élan et beaucoup de potentiel ici, mais il faut que les gens se voient vraiment comme faisant partie de cette histoire et qu’ils se voient comme ayant un rôle important à jouer.
Ryan Smith :
Absolument. J’espère que nous en arriverons au point où nous nous réunirons et que nous aurons un système où le gouvernement pourra soutenir les services climatiques, fournir des données, faire des recherches fondamentales, mais où nous aurons de nouveaux processus novateurs qui pourront prendre ces données, prendre ces renseignements et les appliquer au bout du compte.
Rachel Malena-Chan :
Qu’est-ce qui vous inspire à poursuivre ce travail à la lumière de toutes ces complexités et incertitudes? Qu’est-ce qui vous motive?
Ryan Smith :
Pour ma part, je serai toujours un peu un mordu des données. J’ai toujours aimé jouer avec les données climatiques, développer ces différents produits et services et expérimenter. Je pense que c’est ce qui me motive vraiment, manipuler les données. C’est probablement ce qui me motive le plus. Mais vous savez, j’ai maintenant deux enfants et je dois composer avec la réalité d’un avenir parfois sombre. C’est souvent ce que l’on ressent lorsqu’on regarde les nouvelles. Et donc pour moi, je dois maintenant commencer à penser à l’avenir de ma famille. Et c’est certainement ce qui me donne de l’énergie quand je viens travailler.
Guy Félio :
Je pense que, du point de vue pratique de l’évaluation des risques climatiques, il y a beaucoup plus de gens qui y participent et qui ont appris qu’ils ont de l’expérience. Et c’est formidable pour le pays et pour tous les propriétaires d’infrastructures, car ils disposent d’un bassin de personnes très qualifiées pour ce travail.
L’évaluation des risques climatiques devrait faire partie des exigences de l’évaluation d’impact environnemental. Il s’agit de l’environnement – il faut examiner le cycle de vie et tenir compte de tous les impacts. C’est ma vision. J’espère donc qu’avant de prendre ma retraite, cette vision sera réalisée. Je pense que nous y arrivons. J’ai bon espoir, non seulement du point de vue professionnel, mais aussi du point de vue de la société. Ce sera un grand avantage au moment de gérer les risques pendant les 30, 40, 50 ou 100 prochaines années.
Conclusion
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Rachel Malena-Chan :
Les services climatiques canadiens évoluent pour répondre à la demande croissante d’intégration des données climatiques et d’amélioration de la résilience face aux répercussions climatiques continues sur les systèmes, les infrastructures et l’environnement.
Nous remercions tous nos invités d’avoir partagé leurs histoires et de nous avoir aidés à comprendre comment se présente l’adaptation aux changements climatiques dans la réalité.
Si cet épisode a suscité votre intérêt pour l’adaptation aux changements climatiques et les variables climatiques propres à votre région du Canada, visitez donnéesclimatiques.ca pour en savoir plus.
Merci d’avoir participé à cet épisode du balado pilote D’ici à là-bas – histoires d’adaptation aux changements climatiques. Nous vous rappelons que les vues partagées dans cet épisode ne reflètent pas nécessairement celles de donnéesclimatiques.ca ou de ses partenaires.
Soyez des nôtres au prochain épisode et restez curieux au sujet de l’adaptation aux changements climatiques.